Archives nationales, site de Paris – Agir, d’urgence !

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Le 9 juin dernier, les agents du ministère de la Culture étaient destinataires d’un « Flash info » de la Mission communication interne relatif à la « stratégie immobilière du ministère de la Culture et de la Communication ». S’y trouvaient présentées les différentes hypothèses d’implantation immobilière de l’administration centrale du ministère – secrétariat général et directions – « à l’horizon 2017-2018 », dans le cadre de l’actualisation de son Schéma pluriannuel de stratégie immobilière (SPSI). Des orientations doivent en effet être présentées dès septembre prochain au Conseil immobilier de l’État (CIE), entité qui « conseille » l’État en la matière.

Trois scénarios de réduction-regroupement des services sont actuellement étudiés par le ministère de la Culture avec France Domaine 

1. déménagement en banlieue de l’ensemble de l’administration centrale exception faite du Ministre et de son cabinet, qui resteraient rue de Valois, scénario qui permettrait de vendre notamment les Bons-Enfants et aurait donc la faveur du CIE ;
2. maintien d’un pôle Valois – Bons-Enfants « densifié » et regroupement de 250 à 300 agents, notamment des sites Beaubourg, Pyramides et Richelieu, avec deux variantes :
2a. soit dans un bâtiment à louer ou acquérir en banlieue ;
2b. soit dans les bâtiments du Quadrilatère des Archives (« site Francs-Bourgeois »).

Notre syndicat a déjà fait savoir ce qu’il pensait de la navrante perspective d’une vente de l’immeuble des Bons-Enfants, dix ans à peine après sa livraison. On se concentrera ici sur l’impact du troisième scénario (n° 2b) sur le fonctionnement et l’avenir des services du secteur DGPat/Archives – service Formation de la DGPat, Service interministériel des Archives de France (SIAF) – et plus particulièrement des Archives nationales sur leur site historique, site et services par ailleurs déjà touchés par le début des travaux sur l’hôtel de Rohan (incidences sur l’activité du service des Formations de la DGPat). Mais commençons par un bref tableau du mode de fonctionnement des Archives nationales – site de Paris depuis deux ans.

Le rapport Magnien-Notari, ou les AN-Paris à l’ère de la pénurie

 La CFDT-Culture a déjà eu l’occasion de pointer les lacunes et insuffisances du rapport Magnien-Notari. Rappelons-en ici brièvement les principales :

absence de prise en compte de services ou entités dans les estimations du linéaire ou des espaces nécessaires (Bibliothèque, Cartes et plans, réserves du Musée, stocks du service des publications) ;

– pour les autres services services – Département du Minutier central (DMC), Département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime (DMAAR)–, définition trop contrainte du métrage nécessaire, générant des situations de concurrence malsaine entre services en manque de linéaire ;

– insuffisante prise en compte de la dimension d’accueil des publics : pas de salle prévue pour l’organisation de colloques et journées d’études, ni pour l’accueil des scolaires et les activités multimédia, conduisant partenaires scientifiques et académiques à se détourner des AN en trouvant pour leurs manifestations d’autres lieux dans Paris intra muros ;

locaux techniques : absence d’espaces dédiés aux opérations de dépoussiérage-reconditionnement et choix de délocalisation problématique des ateliers de restauration au petit CARAN, lieu qui se prête bien mieux à l’accueil des publics, pour lequel il a été conçu, qu’à des activités et équipements techniques ;

– absence de solution de réinstallation (bureaux dignes de ce nom) des agents du DACE, actuellement à l’étroit dans l’entresol Clisson.

À l’évidence, le rapport Magnien-Notari, censé pourvoir aux besoins des Archives nationales sur leur site parisien pour les trente années à venir, ne peut constituer la feuille de route de son réaménagement. Le problème est qu’en dépit du constat, aujourd’hui largement partagé, y compris par l’administration, de son insuffisance, et de son ravalement au rang « d’élément de documentation », ce rapport continue de constituer le cadre – conscient ou non – des réflexions en cours sur l’avenir du site de Paris. Comment en serait-il autrement puisqu’il n’a pas été officiellement remis en cause, ni remplacé ?

Fontainebleau, sous-sols, DMAAR : la nouvelle donne

Les insuffisances décrites ci-dessus sont aujourd’hui aggravées dans le nouveau contexte créé par les évolutions intervenues depuis la remise du rapport Magnien-Notari en septembre 2013.

Citons tout d’abord la réflexion en cours sur le redéploiement des fonds du DMAAR. Ce projet envisage entre autres choses une révision de l’affectation des salles 203-203bis de Louis-Philippe, qui seraient dorénavant dévolues au DMAAR plutôt qu’au Minutier sans que ne soit prévue pour ce dernier de compensation – sauf à envisager de priver un autre service, par exemple la Bibliothèque, d’un espace dont il dispose actuellement. À périmètre constant, le plan de redéploiement actualisé du DMAAR conduirait donc à priver le Minutier, et demain d’autres services en répercussion, de mètres linéaires pourtant jugés nécessaires en 2013. Voilà une preuve objective, si besoin était, des insuffisances du rapport Magnien-Notari pour ce qui est des besoins en linéaire sur le site.

Il convient en outre, et surtout, de citer les deux changements de paramètres majeurs intervenus depuis la remise de ce document en septembre 2013 :

 1. la fermeture de Fontainebleau le 28 mars 2014 et l’incertitude sur l’avenir de ce site ;
 2. la problématique « sous-sols », qui revient de façon récurrente dans les discussions avec l’administration depuis plusieurs semaines. 

Sur le premier point, la CFDT-Culture espère que le site de Fontainebleau pourra être sauvé, moyennant si besoin une reconfiguration. L’éventualité d’une fermeture définitive du site doit néanmoins être envisagée si les coûts de réparation devaient s’avérer trop importants, ou les travaux s’avérer techniquement trop complexes. Même dans le cas où le bâtiment serait réparable, on n’échappera pas à une fermeture plus ou moins prolongée du site consécutive aux travaux nécessaires. Quels dispositifs concrets l’administration envisage-t-elle de mettre en place pour la gestion des fonds et l’accompagnement des agents ? Le site de Paris des Archives nationales, bien plus accessible que celui de Pierrefitte pour des personnels résidant dans le sud-est de l’Île-de-France, pourrait dans cette perspective accueillir une partie des fonds et activités de Fontainebleau.

La question des magasins situés dans les sous-sols du Quadrilatère est tout autre. Rappelons à toutes fins utiles ce qu’elle recouvre.

Les sous-sols des Archives nationales représentent aujourd’hui une capacité de 12,5 km. linéaires : 8 kml. sous le CARAN, 3,5 kml. sous le bâtiment Chamson et 1 kml. sous le bâtiment Braibant. La raison mise en avant pour l’évacuation de ces magasins est celle de leur caractère inondable en cas de crue « centennale ». Pour la CFDT-Culture, si l’évacuation des sous-sols de Braibant et Chamson paraît légitime en raison d’autres inconvénients que présentent ces espaces, en revanche, l’on saurait difficilement souscrire à la condamnation préventive à l’aveugle des 8 kml. de magasins situés sous le CARAN : ces magasins, situés à proximité immédiate de la salle de lecture et desservis par un monte-charge qui les relie directement à celle-ci, sont en effet parfaitement fonctionnels, et si certains aménagements sont nécessaires (présence de canalisations), cet espace présente des conditions de conservation parmi les meilleures du site. Nous demandons donc qu’il soit procédé, avant toute décision, à une réflexion de fond sur le caractère non-utilisable de ces sous-sols et notamment à une étude de faisabilité d’un système de mise hors d’eau du sous-sol du CARAN en cas d’inondation. Ajoutons que l’application systématique du principe de précaution peut conduire à des catastrophes, et bien plus immédiates, comme l’institution en fait malheureusement l’expérience en ce moment à Fontainebleau (inondation consécutive à la fermeture).

Si l’abandon des sous-sols était décidé – que ce soudain regain d’intérêt pour les fonds conservés en sous-sols soit sincère ou cache quelque projet d’équipement en lien avec les centaines de personnels que le site devrait accueillir dans le cadre du projet immobilier ministériel –, il serait à tout le moins nécessaire pour lesANde pouvoir conserver des espaces de capacité équivalente en surface.

Nos revendications en détail 

Les besoins des Archives nationales sur le site de Paris peuvent être répartis en 4 catégories.

1. Magasins

Pour ce qui est des magasins, la jauge prévue par le rapport Magnien-Notari, trop faible en elle-même et ne ménageant pas la moindre possibilité d’accroissement ni marge de manœuvre, doit être revue à la hausse. Cette exigence devient impérative si l’ensemble des sous-sols doit être évacué, et plus encore en cas de nécessité d’accueil de fonds de Fontainebleau. Il conviendrait dès lors de conserver au minimum le bloc des magasins Rohan-Guerre-Affaires étrangères, groupe de bâtiments situé le long de la ruelle de la Roche et bien relié au reste des services AN. Une fois restructurés et mis aux normes, dépense qui serait certainement moindre que l’aménagement de bureaux, ces magasins pourraient en effet offrir une contenance d’une douzaine de kml.

Une question revient de façon récurrente dans le débat, qui est celle de la mise aux normes, ou plutôt de la non-conformité à des normes de conditions de conservation et de travail idéales, et donc par nature inatteignables en l’espèce, dans les magasins historiques des AN. Si certains aménagements parasites doivent être corrigés, si des adaptations ponctuelles sont souhaitables pour certains articles peu accessibles, nous sommes favorables au maintien de l’utilisation des différentes parties des Grands dépôts, rendues plus aptes à la conservation et à la manutention des documents par divers aménagements : travaux d’isolation et d’étanchéité pour ce qui est conservé en combles, choix de matériels transitiques répondant parfaitement aux impératifs de sécurité, implantation des articles en fonction de leur taux de communication et de l’existence de supports de substitution. La CFDT-Culture ne peut souscrire à la perspective de dépôts qui se retrouveraient à moitié vides, mais aussi dénaturés dans leur fonction et au point de vue de leur valorisation.

2. Locaux techniques

Les Archives nationales – site de Paris ont, comme tout service d’archives, besoin de locaux de traitement matériel des documents (conservation préventive, restauration, photographie, et espérons-le, à nouveau, dorure). Ces locaux, accueillant des équipements lourds et volumineux (hottes, bacs, cisailles, tables d’aspiration), doivent en conséquence répondre à un certain nombre de critères en termes de surface, charge au sol, revêtement, ventilation.

L’hypothèse d’un maintien sur place de l’atelier de reliure et de restauration présente plusieurs avantages : ces locaux ayant été entièrement refaits en 2009, leur adaptation serait réduite ; ils pourraient en outre accueillir l’atelier de restauration des sceaux, l’atelier photographique ainsi que l’espace dédié au dépoussiérage et au reconditionnement qui fait actuellement défaut sur le site, fonction à laquelle cet espace conviendrait parfaitement (carrelage, aération, caractère non aveugle, localisation centrale et bonne accessibilité depuis les dépôts). 

3. Publics

Les AN-Paris manquent toujours d’une salle digne de ce nom pour l’organisation de conférences et journées d’études. Si l’antichambre de Rohan est condamnée pour ce genre d’usage par le réaménagement en cours, une autre solution devra être envisagée. Rappelons à cet égard le flou dans laquelle se trouvent les agents quant au projet d’aménagement et à la future valorisation de l’hôtel de Rohan, qui était jusqu’à ces dernières années assurée par le Département de l’action culturelle et éducative (DACE). Pour des raisons historiques (expérience du DACE) aussi bien que fonctionnelles (liens avec les sous-sols), la CFDT-Culture est favorable au maintien de l’hôtel de Rohan dans le giron des AN.

Outre la salle de consultation et les locaux de stockage et de travail afférents et adjacents pour les Cartes et plans qui font toujours défaut, mais peuvent sans doute trouver place au CARAN (salle des microfilms), le site manque de salles pour l’accueil des publics scolaires ou étudiants, dotées des équipements multimédia adaptés. Les espaces publics du CARAN (salle de lecture et petit CARAN, conçu pour cet usage) pourraient s’y prêter et devraient dans cette perspective faire l’objet d’une réflexion destinée à leur donner un second souffle.

L’accueil du public professionnel ne doit pas être oublié : a déjà été souligné et relayé par la CFDT-Culture le besoin d’une salle de formation de jauge suffisante en remplacement de celle du « bâtiment des Stages ».

4. Bureaux

L’implantation des bureaux devra être pensée de manière à rapprocher les services les uns des autres mais en tenant aussi compte des circulations entre magasins, salles de travail et salle de lecture, sans négliger les entités partenaires des AN : en plus du SIAF et de la DGPat/Formation, le Conseil international des Archives (6 personnes), l’équipe du projet VITAM sur les archives électroniques (5 personnes aujourd’hui, une quinzaine à terme), qui pourrait représenter un facteur de dynamisme important pour le site, le Centre d’étude d’histoire juridique (CEHJ).

Les manques en la matière concernent essentiellement le personnel du DACE, pour lesquels nous avons proposé et continuons de proposer le 6e étage de l’hôtel de Rohan – étage par ailleurs lui aussi entièrement rénové en 2005.

En résumé :

  • les AN-Paris ont clairement besoin de magasins, ce qui doit se traduire par la conservation pour les Archives nationales de magasins supplémentaires – au minimum le bloc Rohan-Guerre-Affaires étrangères, voire plus en fonction des aléas susmentionnés ;
  • les espaces dévolus aux activités techniques (traitement matériel des documents), éventuellement maintenus sur place, doivent être complétés par un local de dépoussiérage et de reconditionnement ;
  • les espaces d’accueil des publics doivent être développés, une partie des besoins pouvant être satisfaits par une reconfiguration des espaces publics du CARAN, l’autre (salle de conférence) devant l’être par la création d’un équipement spécifique.

 Conservation, restauration/traitement matériel, valorisation : ces trois types de besoins « métier » essentiels sont nécessaires à l’exercice des missions fondamentales des Archives nationales. Ils  conditionnent la pérennité du site sur le long terme, dans le contexte de déséquilibreinstitutionnelrésultant des choix de répartition des fonds entre les différents sites des AN dans les années 2000. Il est donc impensable qu’ils ne soient pas pris en compte de façon prioritaire avant toute décision sur le Quadrilatère.

Les besoins en bureaux, qui doivent être satisfaits, notamment pour l’équipe du DACE, sont moindres. C’est du côté des espaces de bureau précisément, à la faveur de choix de réimplantation intelligents, et sous réserve de la prise en compte de l’ensemble des besoins sus-mentionnés – un déplacement des ateliers de restauration amènerait ainsi à devoir tout reconsidérer – que pourraient sans doute être dégagées des marges pour l’accueil de tel ou tel service du ministère. On pense par exemple aux bâtiments de Boisgelin ou des Stages.

Rapport Magnien-Notari : passer des paroles aux actes, une urgence ! 

Le rapport Magnien-Notari a vécu. Le discours le concernant n’en fait plus la base du fonctionnement du site de Paris pour les 30 ans à venir puisqu’il apparaît clairement qu’un certain nombre de besoins n’ont pas été pris en compte, que les variables sur lesquelles il était fondé ont bougé et que l’expérience met en évidence ses limites : moins de trois ans à peine après la fin du déménagement, il est en effet impossible de trouver dans le périmètre qu’il propose des locaux pour le fonctionnement courant des services.

De ce constat, il est urgent de passer à une phase active de redéfinition des besoins des AN et de leurs conséquences en termes immobiliers. L’urgence est d’autant plus grande que les pressions qui pèsent sur le Ministère sont énormes. Il faut rassembler les données déjà réunies et finaliser l’ensemble dans un document porté par la Direction pour aboutir à plan de réaménagement et de remise à niveau échelonné dans le temps.

Si la Direction des Archives nationales ne monte pas au créneau pour défendre les besoins vitaux des Archives, d’autres choisiront à sa place, et l’on peut douter que cela soit pour le plus grand profit de l’institution.

Télécharger l’article : CFDT-Culture : Archives nationales, site de Paris. Agir, d’urgence

La CFDT-CULTURE, section archives, le 30 juillet 2015