Coronavirus : le monde du travail en première ligne

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Alors que l’épidémie se propage dans l’Hexagone, le gouvernement a fait le point avec les organisation syndicales et patronales sur les mesures à prendre dans les entreprises. 25 millions de salariés sont concernés. Delphine Meyer, juriste à la Confédération, répond à nos questions.

Covid-19 : gestes barrières, gestes simples

Covid-19 par Nawak : gestes barrières, gestes simples. Dessin publié avec l’autorisation de l’auteur

Comment l’entreprise doit elle protéger ses salariés alors que le stade 2 (sur 3) de l’épidémie vient d’être franchi ?

Au-delà de leur « traditionnelle » obligation de santé et de sécurité vis-à-vis des salariés, les employeurs doivent aujourd’hui se préparer à l’arrivée d’une épidémie et veiller à ce que ces mesures s’adaptent pour tenir compte du l’évolution du contexte et améliorer ainsi les situations existantes. Dès lors que des recommandations sont faites au niveau national, les employeurs sont tenus de les respecter et de les mettre en œuvre. A noter que les employeurs qui ont élaboré un plan de continuité d’activité (PCA), notamment lors de l’épisode de la grippe H1N1, peuvent largement s’y référer. Dans le cas qui nous préoccupe, la première recommandation pour les employeurs est d’éviter, sauf raison impérative, les déplacements professionnels dans les zones à risques (régulièrement mises à jour) et de reporter tout déplacement.

Du côté salariés, quels aménagements sont possibles pour les personnes revenant d’une zone « contaminée » ou en cas de quarantaine déclarée par les autorités françaises ? Avec quelles conséquences sur la rémunération et le contrat de travail?

Lorsque le salarié revient d’une zone à risque, l’employeur doit, pour la durée de 14 jours préconisée, lui proposer de télétravailler (et cette solution doit être privilégiée) ou d’aménager son poste de travail afin de limiter les risques de contamination. Si aucune de ces options n’est possible, le salarié peut prendre contact avec l’Agence régionale de santé (ARS) afin qu’un médecin habilité l’examine et, le cas échéant, lui accorde un avis d’interruption de travail pour la durée de l’isolement. En cas d’arrêt de travail, le salarié bénéficie sans délai de carence (de 3 jours habituellement) des indemnités journalières de sécurité sociale pour une durée maximale de 20 jours*. Pendant cette période d’isolement, le contrat est suspendu, la période d’absence n’est, à ce jour, pas considérée comme du temps de travail effectif.

En matière de dialogue social, quelles options s’offrent aux IRP ? Quel rôle peuvent jouer les élus ?

Les IRP ont évidemment un rôle à jouer dans la préparation et la mise en œuvre des mesures prises pour faire face à l’épidémie. L’employeur a tout intérêt à les impliquer et à les associer à l’élaboration du plan de continuité de l’activité (PCA) le plus en amont possible. Mais au-delà de cela, le code du travail prévoit un certain nombre de mesures. Dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le CSE doit être consulté en cas de modification importante de l’organisation du travail, de recours au travail à temps partiel et en cas de dérogation aux règles relatives à la durée du travail et aux repos. A noter que dans son question réponse destiné aux salariés et employeurs, le gouvernement encourage le recours à la visioconférence afin d’éviter les contacts physiques mais précise qu’en cas d’urgence, l’employeur peut aussi prendre des mesures conservatoires d’organisation du travail avant même toute consultation du CSE. Les organisations syndicales ont également un rôle important à jouer dans la prévention. Diverses mesures de prévention pour les salariés et d’anticipation sur l’organisation du travail sont en effet négociables dans le cadre d’accords collectifs ou dans le cadre du PCA. Il peut notamment s’agir de permettre la continuité de l’activité et minimiser la propagation du virus, d’organiser le travail à distance, de prévoir les modalités d’absence en cas d’écoles fermées ou des modalités de transport spécifiques pour éviter l’exposition dans les transports en commun. 

Dans quelles circonstances un salarié peut-il faire valoir son droit de retrait ?

Lorsqu’une situation de travail présente un danger grave et imminent pour la vie ou la santé d’un salarié ou en cas de défaillance des systèmes de protection, les travailleurs ont le droit de se retirer. C’est d’ailleurs au titre de son droit de retrait qu’un salarié peut refuser de se rendre dans toute région du monde qui serait considérée comme zone à risque. L’employeur n’a aucun moyen de le contraindre à partir et il ne peut procéder à aucune retenue de salaire, ni sanctionner le salarié.

Attention toutefois, car ce droit ne peut pas s’exercer à la légère. En pratique, dès lors que l’employeur aura pris toutes les mesures de prévention et de protection individuelle sur le lieu de travail en vue de réduire les risques de contamination auxquels les travailleurs peuvent être exposés, l’exercice du droit de retrait en situation de pandémie de coronavirus devrait demeurer exceptionnel. Dit autrement : l’existence même du virus ne suffit pas à lui-seul à justifier l’exercice du droit de retrait. D’ailleurs, le gouvernement est clair : le fait d’avoir un collègue qui revienne d’une zone à risque ou qui ait été en contact avec une personne contaminée, ne permet pas l’exercice du droit de retrait dès lors que les recommandations sanitaires ont bien été suivies. On considère en effet, que dans ce cas le risque pour les autres salariés est limité dans le sens où la contamination suppose un contact prolongé et rapproché avec des personnes présentant des symptômes.

Le chômage partiel peut-il être une solution ?

En effet, ce dispositif très utilisé lors de la crise de 2008 permet de réduire l’activité d’une entreprise ou la durée de travail habituelle, mais aussi de fermer temporairement un établissement (ou une partie) tout en faisant bénéficier ses salariés d’une allocation spécifique à la charge de l’Etat. Leur indemnité correspond à au moins 70% de leur rémunération antérieure brute et peut être augmentée par l’employeur. Elle peut même être portée à 100% de cette rémunération, si le salarié bénéficie pendant l’activité partielle, d’une formation. Le gouvernement a d’ores et déjà donné quelques exemples de cas dans lesquels la demande peut être faite. Il s’agit par exemple d’une fermeture administrative, de l’absence massive de salariés indispensables à l’activité de l’entreprise, ou le cas de salariés ne pouvant se rendre sur leur lieu de travail en raison de l’absence de transport en commun.

Propos recueillis par aballe@cfdt.fr