Petite chronique des « ANOMalies » : actualités des Archives nationales d’Outre-mer, n°6. Spécial Cour des Comptes

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La Cour des Comptes aux ANOM : de l’art de dénigrer son service

Dans le précédent ANOMalies, nous évoquions, malgré l’hiver, un « printemps des ANOM ». Cette embellie est à présent fortement mise à mal parla lecture du rapport de la Cour des Comptes sur les trois SCN Archives nationales (et le Centre national du microfilm et de la numérisation, d’Espeyran), qui a été très mal reçu par les personnels et plus particulièrement par le personnel scientifique dont le travail est tout simplement dévalorisé, quand il n’est pas ouvertement critiqué. Ainsi, les rapporteurs mettent l’accent sur le défaut de classement, sans pour autant prendre en compte les autres missions des personnels des Archives, ni le temps passé à remplir des missions de service public telles que répondre aux demandes du public ou mettre en ligne des instruments de recherche dignes de ce nom.

On connaissait donc la Cour des Comptes friande de chiffres, de statistiques, découvreuse des dérives et des mauvaises gestions financières et gardienne de l’argent public, là voilà donc devenue aussi spécialiste de l’instrument de recherche dans les archives !

Quelques bémols sont à apporter… car hélas pour notre République, l’omniscience de la Cour se trouve prise en défaut !

En effet, la CFDT-Culture a relevé plusieurs affirmations du rapport qui s’avèrent être inexactes, à croire que les rapporteurs se sont bornés à prendre pour argent comptant des jugements de valeur négatifs émis par le directeur :

Florilège :

  • « […] rien ne justifie quaucun instrument de recherche synthétique n’ait été établi 50 ans après le transfert des archives rapatriées au centre d’Aix-en-Provence. Certes un signalement est fait dans l’État général des fonds, mais sous une forme difficilement exploitable comme le reconnaissent les ANOM […] » (p. 29). FAUX : L’État général des fonds, en ligne depuis 2004 est plus qu’un signalement. Quant à dire qu’il est difficilement exploitable c’est là un jugement subjectif, très surprenant de la part d’un directeur.

  • « Aucun récolement exhaustif n’a jamais été réalisé aux ANOM » (p. 35). FAUX : il y a eu un récolement en 1992, à l’occasion de la mise en place du système de gestion informatique, récolement qui a ensuite été régulièrement actualisé. Dommage que le directeur ne soit pas au courant, trois ans après sa prise de fonction !

  • « Si les statistiques des rapports annuels font apparaître un taux de classement des fonds de plus de 95 %, le directeur des ANOM le juge trop élevé, mais sans pouvoir fournir une meilleure estimation en l’absence de récolement des fonds » (p. 29). Sur quoi se fonde-t-il pour contester ces chiffres ? Pourquoi n’a-t-il pas, en ce cas, programmé un récolement ? Que fait-il donc des bilans des années précédentes ?

  • « 17 agents sur 40 » peuvent se consacrer au classement (p. 29). FAUX : sur ces 17 agents, près de la moitié (8) exercent, pour une partie de leur temps, des missions distinctes du classement d’archives (mais tout aussi importantes que celui-ci : gestion de la bibliothèque et de la cartothèque, mises en ligne sur IREL – Instruments de recherche en ligne –, publications…). On est donc loin des 17 personnes annoncées : aux ANOM comme ailleurs, les tâches sont multiples et variées et participent toutes de l’exploitation scientifique des fonds !

Si un doute subsistait sur l’estime que le directeur peut porter aux personnels des ANOM, celui-ci n’est plus permis à la lecture de sa remarque particulièrement blessante (p. 29) :

« Il s’interroge par ailleurs sur la qualité des instruments de recherche réalisés, l’exhaustivité des inventaires n’étant pas garantie du fait de l’existence d’archives en vrac devant, le cas échéant, compléter les fonds déjà décrits […] » (c’est nous qui soulignons). Rappelons quand même que ces instruments sont validés par le directeur. Remettre en cause leur qualité revient ipso facto à remettre en cause la qualité de sa validation. Le fait qu’ils soient éventuellement incomplets n’enlève rien à la qualité du travail : la publication dans IREL n’est pas figée, vertu de la mise en ligne par rapport à une impression papier. Cette mise en ligne peut donc, si nécessaire, toujours être complétée.

Autre contre-vérité, une de plus, la Cour rapporte – sans vérifier les assertions de sa source unique – que le directeur a affecté trois conservateurs au classement des fonds « algériens » ; or cette décision a été prise par son prédécesseur. Il est également précisé que :

« Certains de ses prédécesseurs avaient eu aussi la volonté de rattraper le retard mais s’étaient heurtés, tout comme lui, à des résistances d’une partie du personnel scientifique qui préférait continuer la pratique ancienne d’une description analytique sans passer par l’étape d’une description synthétique ».

Là encore, la Cour aurait peut-être dû essayer de recouper les informations au lieu de jeter ainsi en pâture un travail qu’elle ne semble pas maîtriser. Nous expliquerons donc à la Cour que contrairement à ce qu’elle écrit, l’action précédente du service était axée sur la mise en ligne d’instruments de recherche détaillés et interrogeables de façon transversale grâce au site IREL, avec l’assistance de bases de données, et ce, à la grande satisfaction des chercheurs. En outre, ces inventaires sont généralement des répertoires méthodiques et non des inventaires analytiques (sauf quand le fonds l’impose) comme le dit le directeur.

Or, depuis l’arrivée de celui-ci, on privilégie désormais les inventaires non plus encodés, mais sous format Word et publiés en PDF… Quel progrès !

En outre, dans la présentation du site IREL, la mention « permet l’accès […] à plusieurs inventaires détaillés » est une insulte pour tous ceux qui produisent des inventaires encodés, en particulier pour ceux qui travaillent sur les fonds de l’Algérie : 120 instruments de recherche sur environ 200 concernent l’Algérie dans IREL.

Quant à la base de données géographiques (9 000 notices lors du contrôle de la Cour en 2016), elle n’est même pas évoquée ; décidément le directeur a le sens de la valorisation du travail accompli par les agents !

Si la CFDT-Culture comprend le rôle de la Cour des Comptes comme organe de surveillance de la bonne gestion des deniers publics, son rôle – auto-attribué – de juge de la qualité du travail scientifique accompli par nos collègues des ANOM nous paraît outrepasser son périmètre d’intervention. En revanche, elle est tout à fait dans son rôle lorsqu’elle pointe le fait qu’après trois ans, il n’y a toujours pas de projet de service. La technique de dénigrement à outrance du directeur ne peut masquer une triste réalité : après plus de 3 ans d’exercice, celui-ci n’a toujours aucun projet de service à présenter, objectif que sa fiche de poste indiquait pourtant comme devant être réalisé à la fin de sa première année de prise de fonction.

Ce que la CFDT-Culture n’admet absolument pas, c’est que le directeur décide devant cet organe de contrôle budgétaire de dénigrer le travail d’accueil, de recherche, de classement ou l’investissement scientifique des agents du service dont il a la responsabilité.

Ce que la CFDT-Culture ne comprend pas, c’est l’absence de réponse et de rectification de la chaîne hiérarchique du ministère lorsque le pré-rapport lui a été communiqué plusieurs mois avant qu’il ne soit rendu public.

Ce que la CFDT-Culture exige c’est l’inscription d’un point « Rapport de la Cour des Comptes » à l’ordre du jour du prochain Comité technique des Archives afin que toute la lumière soit faite sur les propos tenus par le directeur et qu’il s’explique devant les représentants des agents.

CFDT-Culture, section Archives
mardi 14 février 2017

Télécharger le communiqué :  CFDT-CULTURE : Actualités des Archives nationales d’Outre-mer. Petite chronique des « ANOMalies » – n°6. Spécial Rapport Cour des Comptes