Schéma directeur des Archives nationales : le compte n’y est toujours pas.

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Compte-rendu du CHSCT AN Paris du 10 mai 2017

Mercredi 10 mai s’est tenue une séance du CHSCT Archives nationales consacrée au projet élaboré par l’architecte programmiste Isabelle Crosnier pour le volet programmatique du schéma directeur du site parisien des Archives nationales.

Ce document ayant été communiqué le vendredi 5 mai après-midi seulement aux organisations syndicales, les représentants du personnel n’ont eu que fort peu de temps pour s’organiser et préparer cette instance, d’une importance pourtant majeure pour l’avenir des AN. Pour la CFDT, cette séance devait permettre de vérifier que les besoins de l’ensemble des services des AN étaient bien, et prioritairement, pris en compte, condition que nous avons posée à l’accueil de personnels d’administration centrale sur le site dans le cadre du projet CAMUS.

1. Les grandes fonctions : magasins, espaces de travail, accueil du public

1.1 Magasins

Le projet présenté prévoit une densification généralisée des dépôts afin d’atteindre le métrage linéaire cible, estimé autour de 62 kml. pour les documents d’archives (en tenant compte de la collecte du Minutier jusqu’aux minutes de l’année 1965).

En effet, il prévoit d’équiper en compactus (rayonnages mobiles) les dépôts Chamson, Rohan, Guerre, Braibant, le 2e étage de Louis-Philippe ainsi que le rez-de-chaussée/entresol à la jonction Louis-Philippe/Napoléon, soit la quasi-totalité des magasins conservés par les AN à l’exception des dépôts historiques Napoléon III et Louis-Philippe (R+1) et du dépôt Affaires étrangères, proposé pour la zone de collecte du Minutier.

Le métrage visé ne peut être atteint, par ailleurs, qu’en recourant à des rayonnages de grande hauteur (compactus pouvant compter jusqu’à 8 niveaux d’étagères, en fonction de la hauteur sous plafond ; les épis pourraient atteindre une hauteur maximale de 2,9 m., avec une dernière prise à 2,55 m.).

Une telle option, systématisée, pose deux types de questions, voire de problèmes :

  • questions de faisabilité technique : cela suppose la création de planchers particulièrement résistants là où ils n’existent pas (dépôts Rohan et Guerre, de type Pailleron), et, ailleurs, le renforcement des planchers existants ; ajoutons que pour le rez-de-chaussée/entresol à la jonction Louis-Philippe/Napoléon, il est prévu une « structure autoportante » qui ne nous a pas été présentée.

  • questions liées à la manutention : le travail de magasinage ne sera pas facilité puisqu’il faudra recourir à un escabot ou autre accessoire transitique pour les sorties et réintégrations des documents les plus hauts, lequel accessoire devra par ailleurs être déplacé en permanence afin de permettre la mise en mouvement des compactus. Si la CFDT-Culture a toujours plaidé pour l’utilisation de l’ensemble des rayonnages historiques, même situés en hauteur, des Grands Dépôts, la question se pose bien entendu en des termes différents pour des équipements nouveaux. L’on ne sache pas, d’ailleurs, que des services d’archives départementales se soient équipés avec des rayonnages aussi hauts.

1.2 Espaces de travail

Le projet du cabinet Crosnier pour l’aménagement ou le réaménagement des locaux des équipes et des réserves du musée, des ateliers de conservation-restauration-photographie (regroupés dans le bâtiment Louis-Philippe) ainsi que des locaux des équipes du département du Moyen Âge et de l’Ancien Régime (DMAAR) et de l’équipe scientifique du Minutier (au petit CARAN) nous a paru globalement satisfaisant.

Notons que la bibliothèque souffre d’un déficit d’espace de travail : il manque un bureau (7 bureaux pour 8 agents) et une salle réellement adaptée pour la réception et le traitement des entrées. Contrairement aux équipes techniques du DMAAR et du Minutier (hors collecte), on ne peut guère parler d’une amélioration des conditions de travail pour ce service.

La zone « collecte » du Minutier

Depuis 2013, le département du Minutier central des Archives nationales a repris la collecte des archives des notaires de Paris, interrompue depuis de longues années faute de place. Le département du Minutier central reçoit et traite chaque année entre 600 et 700 ml. d’archives notariales, reçues en cartons de déménagement (et occupant in fine 500 ml. de rayonnages d’archives après traitement et reconditionnement).

Sont nécessaires pour cette activité de collecte un point de déchargement sécurisé de plain-pied, permettant un accès aisé, sans rupture de charge, à une zone de traitement et au magasin de transit ; un espace de transit indépendant (afin d’éviter les diffusions de contaminations éventuelles) ; une zone de traitement des entrées, avec espace de dépoussiérage distinct et rangements ; et enfin un espace pour le conditionnement et la rédaction des IR (avec postes informatiques), espace devant être relié sans rupture de charge aux magasins et espaces de travail du Minutier central.

Le scénario présenté aux organisations syndicales lors de ce CHSCT prévoit d’installer cette zone dans l’actuel magasin Affaires étrangères (situé le long de la rue Vieille-du-Temple dans l’axe de la ruelle de la Roche, près de l’ancienne menuiserie) ; les livraisons s’effectueraient ruelle de la Roche (qui serait percée pour ouvrir sur la rue Vieille-du-Temple).

Cette hypothèse d’implantation présente des inconvénients de taille, comme l’établit tout à fait clairement la version en date du 20 mars du projet Crosnier :

  • cette solution est « fonctionnellement contraignante » : on peine en effet à imaginer les manœuvres des camions sous le nouveau porche créé dans l’axe de la ruelle de la Roche ; quiconque connaît le quartier sait l’étroitesse de la rue Vieille-du-Temple à ce niveau. Les opérations de livraison, récurrentes, risquent d’être d’autant plus compliquées que la ruelle de la Roche est censée devenir un espace de circulation piétonnière ;

  • la distance entre les bureaux du Minutier au petit CARAN et cette zone constitue « un handicap » : en effet, cette zone collecte serait séparée de l’équipe du Minutier par un cheminement horizontal d’environ 250 m. dans les sous-sols, auquel il faut ajouter deux circulations verticales, successivement de R+1 à R-1 puis de R-1 à R+1 (un monte-charge serait donc à créer dans le dépôt Affaires étrangères) ;

  • le linéaire global des Archives nationales est « réduit significativement » dans le bâtiment Affaires étrangères puisque la collecte prend place dans des espaces qu’il serait possible d’aménager avec des rayonnages compacts : la perte de linéaire s’élève à 4 kml.

Le 16 mars dernier, lors de la présentation du projet aux services parisiens de la direction des fonds, Isabelle Crosnier avait pourtant détaillé une seconde hypothèse, prévoyant l’installation de cette zone de collecte dans une partie de l’aile Ouest de Boisgelin et dans le magasin Quatre-Fils des AN, locaux adossés au petit CARAN où s’installera l’équipe du Minutier.

Cette seconde hypothèse ne présente que des avantages :

  • acheminement direct des cartons depuis le quai grâce au percement du mur entre le petit CARAN et le dépôt Quatre-Fils, sans croisement, et sans risque de contamination des autres fonds du site ; aucune création de monte-charge supplémentaire n’est nécessaire ;

  • proximité des bureaux du Minutier situés dans le petit CARAN permettant à l’ensemble du personnel magasinier et scientifique d’accéder rapidement aux zones de tri ;

  • communication directe des documents en salle de lecture via le R+1.

Comme l’indique la version du projet en date du 20 mars, ce scénario « permet au Minutier de constituer une entité fonctionnelle efficace, limitant les mouvements des collections et des personnels ». On ne saurait mieux dire !

Le choix d’un scénario étriqué et contraint compliquerait singulièrement le quotidien des équipes du Minutier. Du point de vue du fonctionnement du service et des conditions de travail des agents pour les 25 à 30 prochaines années, cette option n’est pas défendable.

À un niveau plus global, l’installation de la zone collecte du Minutier dans le bâtiment Affaires étrangères amoindrirait la capacité linéaire globale des magasins du site de Paris de 4 kml., privant les AN d’une marge de manœuvre et impactant à terme le taux de consultation. Pour la CFDT-Culture, qui appelle de ses vœux un renforcement de l’activité du site de Paris des Archives nationales, cette option n’est pas recevable.

1.3 Accueil du public, CARAN

Les propositions concernant le CARAN appellent une attention particulière. Les choix qui seront faits détermineront en effet la préservation de l’identité de ce bâtiment comme lieu d’accueil principal du public.

Le hall du CARAN a fait l’objet d’échanges nourris, portant en particulier sur la création d’un espace unique pour les inscriptions, la boutique et la caisse, et sur la localisation du département des Archives électroniques et audiovisuelles, à cheval entre le hall et la partie du CARAN réservée au personnel.

En ce qui concerne la salle de lecture, le projet prévoit qu’elle soit dévolue à la consultation des microfilms et des ouvrages de la bibliothèque, en plus des documents d’archives et des inventaires. Il conviendra de veiller au bon équilibre et à la bonne coexistence entre ces divers usages, de manière à ce que la fonction et l’identité premières de cette salle – la consultation de documents d’archives originaux – ne se trouvent pas diluées dans un « grand tout ». Le projet d’attribution aux associations extérieures aux AN de bureaux situés dans la mezzanine du 3e étage (donc au dessus de la salle de lecture, qu’il faudrait traverser) n’apparaît, de ce point de vue, pas opportun : ces espaces paraissent devoir être réservés à du personnel AN.

2.Le cas particulier de la bibliothèque

Longtemps parent pauvre des projets de réaménagement du site parisien, le service de la bibliothèque des AN représente un cas particulier : conservant des livres et non des archives, il est établi en un lieu (l’hôtel de Breteuil) qui est à la fois lieu de conservation (2,4 kml. de collections), lieu de travail de l’équipe et lieu d’accueil des lecteurs.

Le projet Crosnier lui attribue, pour ses collections « non patrimoniales », 5 kml. de rayonnages dans les sous-sols du CARAN laissés libres par la décision d’abandon de cette zone pour les fonds d’archives. Cette attribution est une véritable avancée pour le service. L’hôtel de Breteuil pourrait en revanche se trouver fortement impacté par d’importantes transformations liées à :

  • la nécessité de sortir des sous-sols un équipement électrique, entraînant la perte des compactus existants ;

  • la création de « points de passage » pour les collègues en transit, entraînant la suppression d’une partie des rayonnages ;

  • le projet de création d’un ascenseur, traversant la salle d’entrée de la bibliothèque ;

  • le projet de création de 3 rampes pour les personnes à mobilité réduite (PMR) et de 3 toilettes au rez-de-chaussée, entraînant la démolition de l’actuel entresol.

La bibliothèque doit ainsi faire, seule, les frais des diverses contraintes pesant sur l’ensemble Assy-Breteuil (ascenseur, accessibilité PMR), et même sur les AN en général (points de passage pour les collègues, qui ne sauraient tous trouver place à cet endroit). Les conséquences de ces aménagements sont dommageables pour ce service : une importante perte de linéaire in situ (un tiers environ) et un dommage patrimonial dû à la disparition d’éléments structurels (escalier, salle d’entrée) et mobiliers, hypothéquant la politique de valorisation de ce lieu. La bibliothèque des Archives nationales est pourtant un témoignage rare, sinon unique, des bibliothèques d’études parisiennes du XIXe siècle, qu’il conviendrait de préserver au plus près de sa disposition actuelle.

La CFDT-Culture demande que soient étudiées les options permettant de limiter au maximum les suppressions mentionnées ci-dessus. Les espaces de la bibliothèque situés dans l’hôtel de Breteuil doivent être préservés, au même titre que les autres éléments à caractère patrimonial du site, qu’ils soient ou non protégés au titre des monuments historiques.

Nous demandons également que soit attribué à ce service un local proche, permettant de compenser la perte de linéaire du compactus, afin que l’hôtel de Breteuil puisse aussi demeurer un lieu à vocation scientifique, donnant directement accès à une partie des collections de référence.

3. Le fond du problème : le périmètre de la réflexion

S’il faut prendre le rapport Magnien-Notari comme étalon de mesure, les propositions qui sont faites aujourd’hui sont bien plus abouties et de ce fait bien meilleures. Rappelons toutefois que le maintien dans l’emprise des AN des magasins Rohan, Guerre et Affaires étrangères est la conséquence mécanique de la décision de vidage des sous-sols, et notamment des 8 kml. situés sous le CARAN. Il ne saurait donc être présenté comme un gain net de linéaire.

Si l’on se réfère au contraire aux principes de travail énoncés par l’administration – installation de services d’administration centrale après définition des besoins des AN –, des problèmes majeurs subsistent.

Le seul scénario réellement opérant pour la zone de collecte du Minutier n’a pas été présenté lors du CHSCT du 10 mai, comme on l’a déjà dit. Cette décision s’explique très facilement : le maintien dans l’emprise des Archives nationales du magasin Quatre-Fils et de la partie occidentale de l’hôtel de Boisgelin (ex-salle de tri et studio photo) va à l’encontre des projets d’extension du musée Picasso, que nous avons fait connaître dans un précédent tract. Cette décision en dit long sur les rapports de force en présence : un opérateur tiers, extérieur à l’administration centrale du ministère, a donc plus de poids que la directrice des Archives nationales sur la conduite, et même sur le simple examen du projet immobilier de l’institution dans le cadre des instances du dialogue social.

Le choix d’implantation proposé pour la zone de collecte du Minutier est tout sauf fonctionnel, nous l’avons souligné. Il entraînera une complication des conditions de travail des équipes du Minutier et entamera la capacité en linéaire global du site de Paris. Le scénario de densification généralisée des dépôts recèle également des inconnues de taille : incertitudes techniques, incertitudes financières, sans parler des conditions de travail des agents. Les plans présentent des hypothèses où tout fonctionne idéalement ; rappelons toutefois qu’il y a loin des projections à la réalité (contraintes architecturales, coûts induits, dont les AN risquent de faire les frais à terme, après que les arbitrages auront été rendus et les magasins nécessaires cédés à d’autres). À ce jour nous n’avons aucune garantie que l’intégralité des fonds du site de Paris (72 kml. au total avec publications et bibliothèque) pourront bien rentrer dans les dépôts

Cette situation n’est que la conséquence logique de la limitation de la réflexion en cours à l’emprise dite « allouée aux Archives nationales », qui exclut le quart nord-est du Quadrilatère (hôtel de Boisgelin, dépôts Temple et Quatre-Fils). Rappelons que cette emprise a été arbitrairement tracée, fin 2015, par le secrétaire général du ministère en vue de la présentation au Conseil de l’immobilier de l’État des différents scénarios d’implantation du ministère, alors même que le scénario dit « patrimonial » (choix du Quadrilatère Archives) ne mentionnait à l’origine aucunement l’introduction sur le Quadrilatère d’un opérateur extérieur à l’administration centrale. Le ministère a donc sciemment trompé les organisations syndicales sur ce point. L’emprise « allouée aux Archives nationales » ne saurait dès lors constituer un cadre de réflexion valable.

En conséquence, la CFDT-Culture demande qu’une nouvelle séance du CHSCT Archives nationales soit consacrée à l’examen de ces questions :

  • proposition fonctionnelle élaborée par le cabinet Crosnier pour la zone de collecte du Minutier

  • implications fonctionnelles et techniques du choix d’un scénario de densification général des magasins des AN (hauteur et type de rayonnages, etc., points qui n’ont pas été discutés le 10 mai).

La CFDT-Culture demandera par ailleurs l’inscription de la question du schéma immobilier des AN à l’ordre du jour du prochain Comité technique ministériel, afin que la question CAMUS 2019 (schéma pluriannuel de stratégie immobilière de l’administration centrale) et le schéma directeur des Archives nationales du site de Paris soient enfin évoqués conjointement, et que la présence -ou non?- d’un tiers opérateur puisse être éclaircie.
Depuis le mois de novembre 2016, le flou -pour ne pas dire l’opacité- est entretenu tant aux Archives nationales qu’en Administration centrale sur ce sujet. Les promesses de transparence et de traitement du sujet se sont accumulées, à quelques mois de la mise en œuvre de ce vaste chantier, les agents méritent de savoir ce qui a été décidé !

CFDT-CULTURE, section Archives
Paris, le 19 mais 2017

Télécharger le compte-rendu du CHSCT Archives Nationales Paris : CFDT-CULTURE – Schéma directeur des Archives nationales : le compte n’y est toujours pas ! CHSCT du 10 mai 2017

Télécharger le Plan de la zone Boisgelin – Quatre Fils