Les réponses à vos questions sur la réforme des retraites

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Depuis plus de deux ans la CFDT a pris part aux concertations organisées dans le cadre de la réforme des retraites. Si depuis plus de 15 ans notre organisation revendique la création d’un système de retraite universel, plus juste et plus solidaire, la réforme en cours n’est en aucun cas la nôtre et ne saurait souffrir d’aucun chèque en blanc : la CFDT va continuer à pousser ses revendications pour l’amélioration du projet de loi. Adhérents, militants, vous être nombreux à nous poser des questions sur ce futur système : vous trouverez ici des premiers éléments de réponses à vos questions récurrentes.

Tout d’abord plusieurs précisions :

  • Les réponses apportées ici pourront être amenées à évoluer, être modifiées; en effet le travail législatif commence à peine, les concertations se poursuivent sur certaines thématiques, …
  • Cette liste de questions n’est pas exhautive, nous continuerons à la compléter au fur et à mesure.
  • Vous pouvez poser vos questions dans le formulaire contact du site de la CFDT . Pour info : nous ne pourrons peut-être pas répondre à toutes les questions, de nombreux points restent encore à construire et nous ne répondrons pas aux situations individuelles.
  1. Pourquoi la CFDT souhaite-t-elle une réforme pour un régime universel ?
  2. Comment la CFDT peut-elle faire confiance à ce gouvernement ?
  3. Quelle est la différence entre l’âge pivot et l’âge d’équilibre mentionné dans la lettre du Premier Ministre ?
  4. Pourquoi la CFDT s’est-elle opposée à l’âge pivot ?
  5. Que signifie l’ « âge d’équilibre » auquel le projet de loi fait référence ?
  6. La CFDT a signé un accord sur les retraites complémentaires instaurant un âge pivot, quelle est la différence avec l’âge pivot qui était prévu par le gouvernement ?
  7. Pourquoi choisir un régime de retraite par points ?
  8. Comment sera calculé le montant de ma pension de retraite, en annuités ou en points ?
  9. Comment allons-nous réussir à financer ce nouveau régime qui réunira tous ceux qui existent aujourd’hui ?
  10. Pourquoi ne pas utiliser les fonds de réserves ou la CADES pour financer le système de retraite ?
  11. Que vont devenir les fonds des différentes caisses de retraites existantes ?
  12. Dans le futur système, que deviendront les régimes complémentaires (Agirc-Arrco) ?
  13. Comment est-il possible que les retraites ne baissent pas si on limite les dépenses à 14% du PIB alors que le ratio d’actifs pour le nombre de retraités va diminuer ?
  14. Quelle sera la valeur du point (achat, service et retraite) ? Pourrait-elle baisser ?
  15. Le gouvernement pourra-il réellement décider unilatéralement de baisser la valeur du point ou de le passer par le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) ?
  16. Pourquoi nos pensions de retraites ne baisseraient-elles pas alors qu’elles ont baissé suite au passage à un système par points en Suède ?
  17. Comment un système qui prend en compte l’ensemble de la carrière peut-il ne pas pénaliser les personnes ayant des « accidents de vie » ?
  18. Comment ce système peut-il être plus juste pour les femmes ?
  19. Que va-t-il advenir des pensions de réversion ?
  20. Comment sera prise en compte la pénibilité ?
  21. Le dispositif « carrière longue » sera-t-il repris dans le futur système de retraite ?
  22. Qu’en est-il de la retraite progressive dans le projet de loi ?
  23. Comment seront prises en compte les périodes de chômage dans le futur système ?
  24. Comment ce nouveau système ne va-t-il pas favoriser la capitalisation alors que les plus riches pourront faire le choix d’aller cotiser ailleurs ?
  25. La baisse des cotisations pour les revenus au-dessus de 10.000 euros/mois va-t-elle réellement entraîner une perte de recettes pour le régime de retraites ?
  26. Les élus seront-ils également concernés par la réforme des retraites ?
  27. Qui pourra bénéficier du minimum de pension ?
  28. Que pense la CFDT de la suppression des catégories actives dans la fonction publique ?
  29. Que pense la CFDT de l’article 64 portant sur la retraite supplémentaire (capitalisation) ?
  30. Qu’est-ce que les fonctionnaires ont à gagner d’un système universel de retraite ?
  31. Les fonctionnaires ne vont-ils pas être perdants avec la fin du calcul des pensions sur l’indice des 6 derniers mois ?
  32. Comment les fonctionnaires ne vont-ils pas (encore) perdre du pouvoir d’achat s’ils doivent cotiser sur leurs primes ?
  33. Que devient le RAFP (régime de retraite additionnelle de la fonction publique) pour lequel les fonctionnaires cotisaient sur leurs primes ?
  34. Comment les situations de handicap seront prises en compte dans le futur système de retraite ?
  35. Pourquoi les années d’études n’ouvriraient pas de droit à la retraite ?
  36. Les cadres seront-ils les grands perdants de la réforme ?
  37. Quelles incidences de la réforme sur une carrière mixte (privé, public…) ?
  38. Quelle prise en compte de la pénibilité dite « mentale » ou risques psycho-sociaux ?
  39. Sera-t-il possible de racheter des points dans le nouveau système ?

1. Pourquoi la CFDT souhaite-t-elle une réforme pour un régime universel ?

L’objectif que poursuit la CFDT en s’impliquant dans la concertation sur la réforme des retraites est de construire un système universel plus juste où tous les actifs du public comme du privé sont solidaires avec des règles communes à tous.
Depuis le Congrès de Tours en 2010, la CFDT défend l’idée d’un système universel qui rassemble tous les travailleurs. La CFDT veut changer le système actuel qui pénalise les femmes, les précaires, les bas revenus et les polypensionnés. Mais la CFDT veut aussi créer des droits nouveaux à la retraite, adaptés aux attentes des travailleurs d’aujourd’hui.
Si la CFDT s’implique dans la discussion, c’est bien parce qu’elle est convaincue qu’on peut garder un système de retraites basé par répartition où les cotisations des actifs permettent de payer les pensions des retraités, tout en le rendant plus juste, plus lisible et en phase avec la société d’aujourd’hui.

L’article Checknews de Libération sur le sujet à découvrir ici

2. Comment la CFDT peut-elle faire confiance à ce gouvernement ?

La CFDT considère que son rôle en tant que syndicat est de défendre les travailleurs dès que possible. Elle le fait en cohérence avec ses valeurs et, dans le cadre de la réforme des retraites en cours, en cohérence avec les propositions que nous avons construites collectivement depuis le Congrès de Tours en 2010, ces mêmes propositions que nous portons depuis le début des concertations. Nous sommes toujours engagés dans les discussions avec le gouvernement et nous le serons jusqu’au bout : tant que le match n’est pas fini, il est trop tôt pour s’avouer vaincu. Si nous pouvons éviter des reculs sociaux ou au contraire permettre à des travailleurs de bénéficier de nouveaux droits, il n’est pas question pour la CFDT de sortir de la discussion. C’est tout le sens de la pétition que nous avons lancée, et des rencontres que nous organisons avec les parlementaires pour les convaincre de nos positions.
Nous nous positionnerons sur le projet de réforme des retraites à partir de nos revendications et une fois le texte connu. In fine, c’est bien le gouvernement qui porte cette réforme, et les parlementaires qui la voteront. La CFDT en tant que syndicat fait, elle, tout son possible pour peser en n’écartant aucun moyen pour se faire entendre.
Notre crédibilité, elle dépend d’abord de notre cohérence et de notre capacité à obtenir des avancées pour les travailleurs. C’est tout le sens de notre action.

3. Quelle est la différence entre l’âge pivot et l’âge d’équilibre mentionné dans la lettre du Premier Ministre ?

Le courrier du Premier Ministre envoyé le samedi 11 janvier aux partenaires sociaux fait référence à deux notions différentes :
L’âge pivot devait être introduit dès 2022 dans le système de retraite actuel. Cet âge pivot, qui introduit une décote et une surcote, aurait pénalisé ceux ayant cotisé tous leurs trimestres à 62 ans, contraints de partir plus tard pour ne pas subir de décote. Cette mesure visait à économiser 12 milliards d’euros à l’horizon 2027. C’est une mesure d’âge brutale et injuste. La CFDT l’a immédiatement dénoncée et combattue. C’est cette mesure qui a été retirée du projet de loi sous la pression de la CFDT.
L’âge d’équilibre introduit dans le futur système à points qui entrera en application à partir de 2037 (génération 1975) qui est un âge de référence remplaçant la notion d’âge du taux plein actuel. La CFDT ne s’y oppose pas sur le principe mais sur sa définition : le gouvernement voulait que cet âge soit le même pour tous, la CFDT souhaitait qu’il soit individualisé. Le gouvernement a accepté qu’il soit individualisé pour tenir compte de la pénibilité, des carrières longues…

4. Pourquoi la CFDT s’est-elle opposée à un âge pivot ?

Cette mesure aurait pénalisé dès 2022 des milliers de personnes ayant commencé à travailler tôt et ayant cotisé tous leurs trimestres, obligées de travailler plus longtemps pour avoir droit à leur retraite à taux plein sans subir de décote (+4 mois en 2022, +8 mois en 2023, +12 mois en 2024, +16 mois en 2025, +20 mois en 2026, +2 ans à partir 2027). Pour l’ensemble des personnes concernées cet âge pivot était particulièrement injuste et brutal et certainement pas un détail.

5. Que signifie l’ « âge d’équilibre » auquel le projet de loi fait référence ?

L’article 10 crée, dans le futur système en points, la référence à un âge d’équilibre avec système de coefficients d’ajustement fixés par décret. L’âge d’équilibre, qui a vocation à remplacer la notion d’âge du taux plein actuel, doit être fixé par le CA de la future Caisse nationale de retraite universelle avant le 30 juin 2021, et en référence à l’âge moyen de départ à la retraite.
Il est à noter que cet âge d’équilibre du futur système n’aura d’effet concret qu’à partir de 2037 (première génération de retraite liquidées selon les nouvelles règles). Il se distingue radicalement de l’âge d’équilibre introduit, par le discours du Premier ministre du 11 décembre dernier, dans le système actuel (article 56 du projet de loi initial), et dont la CFDT a obtenu le retrait.
La CFDT s’oppose à un âge d’équilibre collectif et donc identique pour tous. Un tel âge de référence est au mieux inutile au pire trompeur pour les assurés, les incitant à partir trop tard quand ils ont commencé à travailler tôt. S’il doit y avoir un âge de référence, la CFDT demande un âge individualisé, reflétant la carrière de chacun. Pour la CFDT, le rôle de tels paramètres doit être de fournir aux assurés l’information la plus pertinente pour faire des choix individuels éclairés en matière de départ à la retraite, pas de normer les comportements.
Ces paramètres du futur système n’ayant pas d’application concrète avant 2037 et étant à la main de la future gouvernance du système, le combat immédiat est surtout de renforcer les marges de manœuvre du futur CA pour la définition et la fixation de ces paramètres.

6. La CFDT a signé un accord sur les retraites complémentaires instaurant un âge pivot, quelle est la différence avec l’âge pivot qui était prévu par le gouvernement ?

Retraites complémentaires :
un coefficient de solidarité
Réforme des retraites 2020 :
u
n âge pivot (retiré depuis)
2015 : les régimes ARGIRC-ARRCO sont en danger avec un risque de baisse généralisée des pensions. Les partenaires sociaux trouvent un accord pour les sauver? 2020 : le gouvernement souhaitait imposer un âge pivot à l’ensemble des travailleurs alors que l’équilibre du régime n’est pas menacé à court terme.
Sa traduction : Sa traduction :
  • Un malus de 10% pour les personnes partant avant 63 ans
  • S’applique pour une durée de 3 ans
  • Ne concerne que le montant de la retraite complémentaire
  • En sont exemptées les pensions les plus modestes, les personnes en situation de handicap, personnes inaptes, aidants familiaux.
  • Renégociable
  • Un malus de 10% pour les personnes partant avant 64 ans
  • S’applique définitivement
  • S’applique à la totalité de la pension perçue
  • Concerne tous les travailleurs
  • Non négociable

 

7. Pourquoi choisir un régime de retraite par points ?

Pour la construction d’un régime universel, la CFDT accepte le principe d’un régime par points comme elle accepterait n’importe quel régime contributif, c’est-à-dire un régime ou les droits directs à pension sont calculés sur la base des contributions de l’assuré, autrement dit les cotisations qu’il a versées au cours de sa carrière.
Il s’agit avec cette réforme de créer un nouveau système; il ne s’agit pas de passer des 25 meilleures à toute la carrière dans le système actuel (ce qui serait une dégradation des droits) mais de changer de système.

1) La retraite par points est-elle moins généreuse que la retraite en annuités ?

La générosité du système de retraite n’est pas déterminée par son mode de calcul, mais par le niveau de cotisation qu’il prélève, et qui permet le paiement des pensions. Plus élevées sont les cotisations, plus élevées sont les pensions, et inversement.

Le mode de calcul de la pension détermine les droits relatifs des uns et des autres. Autrement dit, certains modes de calculs peuvent avantager certaines catégories d’assurés et en désavantager d’autres, comme c’est le cas aujourd’hui, avec des personnes qui cotisent la même chose sur l’ensemble de leur carrière mais n’ont pas le même montant de pension de retraite.

2) Quel est le système de calcul des pensions le plus équitable ? Pour les salariés du privé, pourquoi le futur régime de retraite serait plus avantageux que l’actuel qui repose sur les 25 meilleures années ?

Il faut se débarrasser de l’idée fausse selon laquelle les régimes en annuités, en calculant la pension sur les X meilleures années, assureraient une redistribution en faveur des plus défavorisés. C’est en fait exactement l’inverse.

Il paraît avantageux de calculer la pension sur les meilleures de nos rémunérations, et de s’accorder un « droit à l’oubli » pour les périodes d’entrée dans la carrière ou de chômage. Mais cette règle ne détermine à elle seule aucun avantage particulier puisque tout le monde a 25 meilleures années à faire valoir. En termes de redistribution, l’avantage ira à ceux qui auront le plus grand écart entre bonnes et mauvaises années. Ceux-là maximiseront le rapport entre les pensions reçues (calculées sur les meilleures années) et les cotisations versées (calculées, elles, par construction, sur la rémunération moyenne de la carrière).

Un petit exemple chiffré pour s’en convaincre :

Années
1 à 20
Années
21 à 40
Cotisations
(30% salaire)
Pension
(75% des 20 meilleures années
Emmanuel 1 000 €/mois 2 000 €/mois (300 + 600)/2
= 450 €/mois
1 500 €/mois
Édouard 1 500 €/mois 1 500 €/mois (450 + 450)/2
= 450 €/mois
1 125 €/mois

 

Dans un régime en annuités où la retraite est calculée sur les 20 meilleures années (pour une carrière de 40 années), on voit que celui qui a une carrière ascendante (c’est-à-dire avec une promotion) bénéficie d’un meilleur retour sur cotisation. Dans cet exemple, évidemment construit pour la démonstration, les deux salariés ont fait le même effort contributif, mais n’obtiennent pas la même pension. Ce travers est propre aux régimes en annuités : dans un régime en points, les pensions étant calculées sur les cotisations versées, les deux personnes auraient la même pension.

La CFDT porte ce choix parce que c’est le mode de calcul le plus équitable. Le but de cette réforme c’est de permettre une meilleure redistribution des retraites : garder la même « taille de gâteau » mais mieux répartir les parts, des plus riches vers les moins favorisés

3) Les régimes en annuités défavorisent les catégories de salariés les moins bien rémunérés

Ce travers des régimes en annuités ne serait pas grave si c’étaient les plus défavorisés qui faisaient état du plus grand écart de rémunération entre « bonnes » et « mauvaises » périodes (ceux qui ont connu des périodes de chômage, ceux qui ont connu la précarité). Dans ce cas, le système de retraite avantagerait ceux que le marché du travail a désavantagé. Mais la réalité nous montre tout le contraire : plus les revenus sont hauts, plus ils progressent rapidement, plus au contraire ils sont bas, moins ils progressent vite.

Pour un exemple plus factuel de ceci, il suffit de prendre les écarts de rémunération dans la Fonction Publique (le tableau suivant reconstitue la carrière des trois catégories d’agents, sur la base des grilles de rémunération issues de l’accords PPCR) :

Rémunération mensuelle en € Catégorie A Catégorie B Catégorie C
Entrée de carrière 1 790,10 1 574,37 1 514,70
Fin de carrière 3 699,54 2 451,06 1 927,80
Progression + 106,7 % + 55,7% + 27,3%

Le système à points, dans la mesure où il est plus « contributif » (les prestations sont calculées sur les cotisations versées) fait disparaître ce biais en faveur des actifs déjà favorisés par le fonctionnement du marché du travail.

8. Comment sera calculé le montant de ma pension de retraite, en annuités ou en points ?

Il faut distinguer 3 générations quant à l’application de la réforme des retraites :

  • Celles entre 1960 et 1974 qui ne seront pas concernées par la réforme des retraites
  • Celles entre 1975 et 2004 pour lesquelles les deux systèmes fonctionneront en parallèle. Le calcul de leur retraite continuera à se faire sur les 25 meilleures années de l’ensemble de leur carrière, avec un calcul au prorata des droits acquis jusqu’au 31 décembre 2024 et les points acquis à partir du 1e janvier 2025.
  • Celles après 2004 qui ne connaitront que le régime universel par points avec un calcul sur l’ensemble de la carrière

9. Comment allons-nous réussir à financer ce nouveau régime qui réunira tous ceux qui existent aujourd’hui ?

Il n’y a pas de déficit au sens d’un dérapage des dépenses, donc pas de problème de financement immédiat. Le choc démographique du papy-boom a été « absorbé » par les réformes précédentes. Le problème aujourd’hui est un déficit au niveau de recettes, lié notamment aux décisions gouvernementales (non compensation des exonérations des charges sociales (CICE et heures supplémentaires, prime Macron, …)) et au problème du maintien en emploi des séniors (seuls 40% des personnes en âge de la retraite sont encore en emploi). La CFDT réclame que les employeurs prennent leurs responsabilités sur le maintien en emploi des séniors.
S’il y a des ajustements financiers à moyen terme à faire, la CFDT a toujours su prendre ses responsabilités par le passé et saura le faire à l’avenir. Elle prendra donc toute sa place dans les négociations qui vont s’ouvrir dans le cadre de la conférence de financement, demandée par la CFDT, pour trouver les solutions pour assurer l’équilibre financier de régime actuel à l’horizon de 2027.

10. Pourquoi ne pas utiliser les fonds de réserves ou la CADES (Caisse d’Amortissement de la Dette Sociale) pour financer le système de retraite ?

C’est une des pistes de réflexion dans le cadre de conférence de financement : on a 36 milliards de réserves au Fonds de réserves de retraite (FRR) qui a été prévu pour cela… Mais si cela permet de maintenir le système à équilibre pendant un certain temps, cela n’est pas un moyen de financement sur le long terme.

11. Que vont devenir les fonds des différentes régimes de retraites existants (y compris des régimes complémentaires) ?

Cette question n’est pas encore tranchée : pour la CFDT, il va falloir trouver un équilibre entre ce que garderont les régimes pour pouvoir financer les pensions des travailleurs tant que ceux-ci perdureront et ce qu’ils verseront dans le fond commun qui sera créé dans le cadre du régime universel.

12. Dans le futur système, que deviendront les régimes complémentaires (Agirc-Arrco) ?

La CFDT défend le projet d’un régime universel des retraites pour tous les salariés, ce qui implique, à très long terme, un seul système pour tous. Mais avant d’y parvenir, le régime général et les régimes complémentaires continueront de coexister, peut-être encore pendant de nombreuses années ! Difficile d’être plus précis à l’heure actuelle sur les modalités de cette coexistence, beaucoup de sujets restent encore à préciser.

13. Comment est-il possible que les retraites ne baissent pas si on limite les dépenses à 14% du PIB alors que le ratio d’actifs pour le nombre de retraités va diminuer ?

Dire que les dépenses de retraite ne doivent pas dépasser 14% du PIB ne signifie pas que les dépenses de retraite n’augmentent pas : le PIB augmente aussi. L’idée, c’est que les dépenses de retraite augmentent au même rythme que la richesse nationale (le PIB). Si elles augmentaient plus rapidement, ce serait au détriment d’autres politiques publiques.

14. Quelle sera la valeur du point (achat, service et retraite) ? Pourrait-elle baisser ?

C’est la gouvernance du futur système de retraites qui sera chargée de fixer la valeur du point. Il est prévu de garantir dans la loi que la valeur du point ne puisse baisser. La valeur du point à l’achat et de service (au moment de liquider sa retraite) sera indexée sur les salaires (qui évoluent plus vite que l’inflation) et les pensions quant à elles seront indexées à minima sur les prix. C’est la gouvernance qui va pouvoir jouer sur ces paramètres-là, c’est pour cela que la CFDT revendique que les partenaires sociaux soient partie prenante de la gouvernance.
Enfin : les régimes de retraites complémentaires (AGIRC-ARRCO, Ircantec) sont des régimes par points, gérés par les partenaires sociaux depuis leur création… en 1947 ! Non seulement ce régime n’a pas fait baisser les pensions, mais il a permis de relever le niveau de vie des retraités : pour éviter une baisse des pensions, c’est le pilotage du système qu’il faut contrôler.

15. Le gouvernement pourra-il réellement décider unilatéralement de baisser la valeur du point ou de le passer par le PLFSS (projet de loi de financement de la sécurité sociale) ?

Il sera toujours possible, quel que soit le système de retraites (y compris pour le système actuel) pour un gouvernement de faire un loi pour changer les règles fixées : s’empêcher de faire une réforme pour un système plus juste sous ce prétexte n’aurait aucun sens, en poussant cette logique, il n’y aurait plus aucun intérêt à faire quelque réforme que ce soit. Le gouvernement ne pourra pas baisser les pensions de manière unilatérale, il y aura une CNRU (caisse nationale…) dont la mission sera d’ajuster les paramètres, sous contrôle du parlement : encore une fois la question de la gouvernance est clé à ce niveau afin de trouver un équilibre entre les différents acteurs.

16. Pourquoi nos pensions de retraites ne baisseraient-elles pas alors qu’elles ont baissé suite au passage à un système par points en Suède ?

La Suède a réformé son système de retraite en 1991 pour rétablir l’équilibre financier avec un passage à un système en comptes notionnels avec un calcul sur l’ensemble de la carrière. Des études tendraient à démontrer qu’avec l’application de cette réforme, les pensions de retraites des Suédois et Suédoises auraient baissé.
Le système de retraites Suédois est basé sur 3 types de cotisations, deux obligatoires : à hauteur de 16% pour un régime par répartition, de 2% pour un régime par capitalisation et une sur-complémentaire, optionnelle, par capitalisation également, à laquelle souscrivent 90% des Suédois.
Le calcul du montant de la pension en Suède est basé sur l’âge de départ à la retraite et l’espérance de vie, avec pour contrainte qu’il ne puisse être déficitaire même sur une année (aucun transfert ne peut être opéré sur les générations futures). Chaque génération reçoit en fonction de ce qu’elle a cotisé ainsi plus l’espérance de vie augmente plus les pensions baissent.
Dans les faits, la baisse de pensions constatée dans le modèle Suédois est donc liée au taux de cotisation bas (16% versus 28% dans le projet de loi du gouvernement) lié à l’augmentation très rapide de l’espérance de vie des Suédois. A cela s’ajoute la crise de 2008 qui a impacté fortement les comptes en capitalisation gérés par les fonds de pension et entrainant une baisse des pensions.
Il n’y a donc pas de comparaison valable ni sur le contexte ni sur le contenu de la réforme.

17. Comment un système qui prend en compte l’ensemble de la carrière peut-il ne pas pénaliser les personnes ayant des « accidents de vie » ?

Dans le futur système, périodes de chômage indemnisés, invalidité, maladies longue durée, maternité… donneront droit à l’attribution de points tenant compte des revenus antérieurs ou pour le chômage de l’allocation versée (la CFDT revendique que même pour les périodes de chômage indemnisé ce soit le revenu antérieur qui soit pris en compte).

18. Comment ce système peut-il être plus juste pour les femmes ?

Plusieurs points sont positifs pour les femmes dans cette réforme :
– Les bonifications dès le premier enfant : c’est 5% pour un enfant, 10% pour 2 enfants et 17% pour 3 enfants et plus (aujourd’hui, c’est uniquement à partir du 3e enfant et ce dispositif majore les pensions des mères mais aussi des pères. Avec la réforme, cette majoration donne directement un plus sur le montant de la pension pour la mère, sauf choix contraire des parents.)
– Le relèvement du minimum de pension (ce sont les femmes qui perçoivent les plus basses pensions) même si la CFDT revendique une hausse plus importante de celui-ci.
– Les points acquis dès la première heure de travail (aujourd’hui il faut avoir travaillé au moins 150 h SMIC) permettent aux personnes les plus précaires (temps partiels, alternance de périodes d’emploi et de chômage) donc les femmes de cotiser en se créant des droits dès qu’elles travaillent une heure.

En ce qui concerne le congé de maternité, il devrait être entièrement compensé et il devrait y avoir des points de solidarité pour les congés parentaux (le dispositif reste à préciser). Quant aux 8 trimestres supplémentaires (dans le privé) : cela donnait des trimestres mais ne permettait pas d’augmenter la pension des femmes. Dans le nouveau système, il n’y a plus d’obligation de cotiser pendant X trimestres. C’est intrinsèque au système par points : plus on travaille, plus on cotise, plus la pension augmente. Pas besoin de mécanisme pour augmenter la durée de cotisation.
Enfin, c’est le mode de calcul des pensions actuel reposant sur les annuités, et sur les 25 meilleures années (ou les 6 derniers mois) qui est injuste parce qu’il défavorise mécaniquement les travailleuses et travailleurs les moins favorisés dans l’emploi, et notamment les femmes qui ont les carrières les plus « plates », ceci expliquant en partie les écarts de pensions entre les femmes et les hommes (celles des femmes étant en moyenne inférieures de 38% à celle des hommes).

Concernant la majoration de 5% par enfant, la CFDT continue à revendiquer que la majoration en points accordée par enfant soit forfaitaire et non proportionnelle au revenu, ou au moins, que soit prévu un plancher pour la majoration. Il pourrait également être envisagé de moduler cette majoration dans le cas où un enfant est en situation de handicap.

19. Que va-t-il advenir des pensions de réversion ?

La réversion (article 46) a pour objectif le maintien du niveau de vie après le décès. Elle est ouverte à partir de 55 ans, sans condition de ressources, et après au moins 2 ans de mariage ou sans condition de durée si le couple a eu des enfants. Elle permet au conjoint survivant d’avoir droit à 70% des points acquis par le couple en majorant sa propre retraite par la pension de réversion (le pourcentage sera défini par décret). Si le conjoint survivant se remarie, la réversion ne lui est plus versée.
Si l’assuré est décédé sans avoir liquidé ses droits à la retraite, le montant de sa retraite est calculé sur la base du nouveau système universel (pour les générations 1975 et suivantes) et des droits acquis à date de son décès. L’âge d’équilibre ne s’applique pas pour le calcul des droits.
Si le conjoint survivant n’a pas encore liquidé ses droits à la retraite à la date du décès, sa pension de réversion est calculée de façon provisoire sur la base de ses revenus d’activité et des droits acquis en matière de retraite. Elle est à nouveau calculée lors de la liquidation de la retraite du conjoint survivant.
Il est prévu que la réversion s’applique à partir de 2037 pour les conjoints survivants dont le conjoint décédé avait été intégré au régime universel.
La CFDT considère que le nouvel objectif donné à la réversion est le bon, et que le nouveau dispositif est plus juste puisqu’il favorise les conjoints survivants qui avaient un revenu très inférieur à leur conjoint décédé. Pour répondre à l’objectif de justice sociale du nouveau système, la CFDT demande que soit introduit un plancher, pour éviter les trop petites pensions.
Une ordonnance précisera les modalités de garantie des droits pour les conjoints divorcés : une mission est confiée à Bertrand Fragonard, spécialiste des droits familiaux, pour clarifier les choses. La CFDT propose qu’en cas de divorce, il y ait un partage équitable des droits à la retraite acquis par les deux conjoints pendant la durée de la vie conjugale, sauf modalités prévues dans un contrat d’union. Enfin, la CFDT demande à ce que la réversion soit ouverte à toutes les formes de couples.

20. Comment sera prise en compte la pénibilité ?

Dans le projet de loi, le C2P est ouvert à la fonction publique, en contrepartie de la suppression progressive de certaines catégories actives. Les seuils pour le travail de nuit et pour les équipes successives alternantes seront abaissés par décret. Les droits acquis par ce biais ne seront plus plafonnés, et ils ouvrent droits à la formation, à du temps partiel ou à départ anticipé. Le droit au départ anticipé sera toutefois, comme aujourd’hui, plafonné à 2 ans (soit à 60 ans au plus tôt). L’âge d’équilibre est aussi abaissé à la même proportion. Comme pour les carrières longues, la surcote n’est possible qu’à partir de l’âge d’équilibre de droit commun. Le départ anticipé via le C2P permet ainsi de gagner au plus 2 ans supplémentaires de vie à la retraite, pour un niveau de pension donné.
Pour la CFDT, l’ouverture de la pénibilité à la fonction publique est une bonne chose, cependant la limitation du dispositif aux 6 critères actuels limite considérablement la portée du dispositif. La CFDT revendique toujours que les travailleurs exposés à la manutention manuelle de charges, aux vibrations mécaniques, aux postures pénibles et aux risques chimiques puissent voir la pénibilité de leur travail reconnue.
Pour la CFDT, les discussions ouvertes avec la ministre du travail doivent aboutir à une prise en compte pleine et entière de tous les facteurs de pénibilité reconnus.

21. Le dispositif « carrière longue » sera-t-il repris dans le futur système de retraite ?

Le système carrière longue reste d’actualité. Il est un acquis de la CFDT, nous continuons à le défendre fermement, et il est maintenu dans les mêmes conditions dans l’avant projet de loi.

Il sera donc toujours possible de partir entre 60 et 62 ans, selon le nombre de trimestres acquis. Il n’y a pas de raison qu’il soit remis en cause dans la conférence de financement. Nous resterons vigilants sur ce sujet.

22. Qu’en est-il de la retraite progressive dans le projet de loi ?

Elle est étendue aux salariés des régimes spéciaux, aux salariés au forfait jours, et aux mandataires sociaux relevant du régime général ou du régime des salariés agricoles. Le texte ajoute une obligation pour l’employeur de motiver son refus par l’incompatibilité de la retraite progressive avec l’activité économique de l’entreprise. Cependant le dispositif de retraite progressive n’est accessible qu’à partir de 62 ans, alors qu’aujourd’hui il est ouvert à partir de 60 ans.
C’est contraire à l’esprit du dispositif qui aujourd’hui permet de réduire son activité avant l’âge légal. Il s’agit donc d’un recul pour la CFDT, d’autant que la retraite progressive semble rester fermée aux agents de la fonction publique.

23. Comment seront prises en compte les périodes de chômage dans le futur système ?

La réforme distingue deux cas, celui des chômeurs indemnisés et celui des chômeurs non indemnisés. Dans le cadre des chômeurs indemnisés, des points seront acquis sur la base des indemnités versées à ces assurés au titre de ces périodes, notamment au titre de l’allocation de retour à l’emploi (ARE) et, dans l’attente des conclusions des travaux en cours sur le revenu universel d’activité (RUA), au titre de l’allocation spécifique de solidarité (ASS). Pour la CFDT, il est inconcevable qu’une nouvelle fois, les droits des plus fragiles soient dégradés. Non seulement la réforme de l’assurance chômage a réduit considérablement les droits des demandeurs d’emploi (ouverture des droits, durée et montant d’indemnisation), mais en plus cet avant-projet de loi prend la référence la moins avantageuse : l’indemnité versée et non les revenus correspondants à la dernière période travaillée.
Par ailleurs, le chômage non indemnisé n’est plus du tout pris en compte. Pour la CFDT, c’est un recul des droits notamment pour les jeunes qui entrent sur le marché du travail (alors que depuis 2011 la première période de chômage non indemnisée est prise en compte dans la limite de 6 trimestres) et pour les seniors (alors qu’aujourd’hui, à partir de 55 ans, ce sont 20 trimestres qui peuvent être pris en compte au titre du chômage non indemnisé).
Alors que le gouvernement promeut le développement de la formation professionnelle et de l’apprentissage, il est surprenant de ne pas voir sécurisée l’acquisition de droits à la retraite pour toutes les personnes en formation, qu’elles reçoivent ou non une rémunération, et quel que soit l’organisme financeur.
La CFDT revendique donc :

  • Pour les chômeurs indemnisés : que la référence prise dans le nombre de points acquis soit le dernier revenu précédent la période de chômage, et non le montant de l’allocation qui est forcément plus bas
  • Pour les chômeurs non indemnisés : des droits à la retraite équivalents à la situation actuelle a minima pour les primo-demandeurs (notamment les personnes entrant sur le marché du travail, n’ayant jamais travaillé avant) et pour les séniors (les plus de 50 ans)

24. Comment ce nouveau système ne va-t-il pas favoriser la capitalisation alors que les plus riches pourront faire le choix d’aller cotiser ailleurs ?

La capitalisation (ou l’épargne retraite) existe déjà aujourd’hui. Les plus hauts revenus continueront à cotiser jusqu’à 120 000 euros annuel et à avoir des droits. Pour les 200 000 personnes qui gagnent plus de 120 000 euros annuels, ils cotiseront comme les autres jusqu’à 120 000 euros et au-delà, ils cotiseront 2,81 %, sans ouvrir de droits. Cela ne signifie pas un manque à gagner pour le futur système de retraites puisque le plafond de cotisations serait baissé mais le plafond de pension également (à hauteur de 3 plafonds de la sécurité sociale (PASS)). Nombreuses sont les personnes aujourd’hui, y compris des personnes ayant des revenus bien inférieurs à 10.000 euros/mois qui cotisent dans des retraites supplémentaires (PERCO dans le privé, PREFON dans le public, …)

25. La baisse des cotisations pour les revenus au-dessus de 10.000 euros/mois va-t-elle réellement entraîner une perte de recettes pour le régime de retraites ?

En 2018, le montant des cotisations des personnes ayant des revenus compris entre 10.000 euros (plafond du futur système) et 27.000 euros (plafond du système actuel) était de 3,6 milliards pour un montant de 3 milliards d’euros de prestation pour les retraités étant entre 3 et 8 PASS. L’abaissement du plafond de 8 PASS à 3 PASS entreneraît en effet une baisse des recettes pour le régime de retraites pour la période de transition (uniquement) puisqu’il faudra continuer à payer les pensions de celles et ceux ayant cotisé jusqu’en 2025 à un taux supérieur à celui de 2,8%.
Pour la CFDT ce n’est pas aux allocataires qui sont en dessous du plafond de la sécurité sociale de payer les pensions de ceux qui sont au-dessus, plusieurs pistes de réflexions sont donc à creuser :

  • Comme il l’est prévu dans l’étude d’impact : ne pas abaisser immédiatement le taux de cotisations de ceux au-dessus du plafond à 2,8%, que cette baisse se fasse progressivement, avec un taux bien supérieur n’ouvrant pas de droits
  • Que les entreprises qui verront également leurs charges patronales baisser participent au financement du système

26. Les élus (députés, sénateurs…) et ministres seront-ils également concernés par la réforme des retraites ?

Depuis son congrès de Tours en 2010, la CFDT défend l’idée d’un système universel des retraites qui rassemble tous les travailleurs sans exception. Les élus et les ministres doivent donc bien évidemment intégrer ce système et cotiser comme tout le monde. En l’état, le projet de loi sur la réforme des retraites le prévoit.

À noter :

  • les ministres n’ont aujourd’hui pas de régime particulier de retraite, ils cotisent auprès de leur précédente caisse ou au régime général.
  • les parlementaires (députés et sénateurs) : ils ont aujourd’hui leur propre régime de retraite, mais il s’est déjà beaucoup rapproché du régime général ces dernières années (par exemple, pour les députés, il faut 41,7 ans de cotisation et l’âge minimal est à 62 ans).
  • les élus locaux : beaucoup ne touchent aucune indemnité et n’ont donc pas de droits particulier à la retraite au titre de leur mandat. Les conseillers municipaux peuvent bénéficier d’une complémentaire, mais pour un montant très faible.

Si les dispositions du projet de loi concernant les élus sont votées en l’état, elles devraient permettre une plus grande égalité de traitement entre élus d’une part, et entre élus et l’ensemble des citoyens d’autre part.

27. Qui pourra bénéficier du minimum de pension ?

Le minimum de pension sera ouvert à partir de l’âge d’équilibre avec une obligation de durée d’assurance correspondant à une carrière complète (fixée à 43 ans, soit 516 mois à raison de 50h de smic par mois, pour la génération 1975). Il est prévu qu’il soit fixé par décret à 85% du SMIC net et qu’il soit attribué sous forme de points supplémentaires. La surcote liée à l’âge d’équilibre s’applique si les assurés prolongent leur activité au-delà.

La CFDT continue à revendiquer un minimum de pension qui soit bien au-delà de 85% du SMIC. La transition en la matière étant prévu de 2022 (minimum de pension à 1000€ nets) à 2025 (article 41), il reste à préciser si la référence à la carrière complète pour les générations avant 1975 est celle fixée par la loi Touraine.

28. Que pense la CFDT de la suppression des catégories actives dans la fonction publique ?

Les catégories actives représentent dans la fonction publique les emplois occupés par des fonctionnaires qui présentent un risque particulier : ce dispositif permettait à certaines catégories professionnelles de pouvoir partir à 57 ans. Le projet de loi acte leur disparition et leur remplacement par l’extension du dispositif C2P (compte pénibilité) appliqué actuellement uniquement dans le privé avec une possibilité de pouvoir partir à 60 ans. Pour la CFDT Fonctions publiques cette mesure est inacceptable. Voici un extrait de la déclaration de la CFDT fonction publique datant du 8 janvier 2020 :

« Le rapport Delevoye prévoit de substituer le C2P du secteur privé aux catégories actives du secteur public. Cette proposition ne nous convient pas en l’état. Le gouvernement a en 2017 mis en place le C2P en lieu et place de l’ancien C3P, en retirant 4 critères de pénibilité qui étaient pourtant très impactant pour les salariés. Il est clair pour la CFDT que le C2P actuel (même avec une révision de quelques seuils) ne permettra pas d’englober l’ensemble des agents publics soumis à des conditions de travail pénibles, qu’ils soient en catégories actives ou non. Ce transfert pur et simple serait une régression inacceptable. La CFDT s’y opposera tant que les travaux que nous menons ensemble ne feront pas évoluer positivement les choses.Nous exigeons que soient revus les critères de pénibilité et les seuils de déclenchement, bien au-delà de l’annonce du Premier ministre sur la reconnaissance du travail de nuit. Nous militons pour la réintroduction des 4 critères retirés en 2017 : port de charges lourdes, risque chimique, vibrations, postures pénibles. Nous souhaitons pouvoir rediscuter des seuils d’exposition qui ouvrent la reconnaissance pour chacun des critères. L’objectif de la CFDT est que tous les agents soumis à des conditions de travail pénibles bénéficient de départs anticipés à la retraite sans pénalité par rapport à l’âge légal d’ouverture des droits actuellement à 62 ans.
Dans chacun des versants de la fonction publique, tous les agents concernés par au moins un des critères, doivent voir leur Compte personnel d’activité enrichi d’un nouveau volet : celui du compte pénibilité. Les attentes sont fortes et les inquiétudes réelles. »

29. Que pense la CFDT de l’article 64 portant sur la retraite supplémentaire (capitalisation) ?

L’article 64 est un article qui traite d’un certain nombre de sujets ayant trait à la retraite supplémentaire, la prévoyance (via la ratification de 3 ordonnances notamment liées au vote de la loi PACTE) et de la transposition de la directive européenne sur les institutions de retraite professionnelles. Il apparait comme un article technique qui ratifie un certain nombre de décisions prises par ordonnance. Une partie des opposants à la réforme a cherché à faire de cet article la preuve d’une « intention cachée » du gouvernement sur la retraite : instaurer un régime de retraite par capitalisation au détriment de la répartition.
Pour la CFDT, il serait opportun de dissocier les sujets abordés par l’article 64, du projet de loi sur le système universel de retraite (ce dernier relevant de la répartition et non de la capitalisation). La CFDT propose qu’il fasse l’objet d’un projet de loi distinct.

30. Qu’est-ce que les fonctionnaires ont à gagner d’un système universel de retraite ?

Tout d’abord, un système universel de retraite est plus adapté aux travailleurs de plus en plus nombreux qui alternent entre secteur public et secteur privé. Et d’ici la fin de la transition d’un régime à un autre (en 2037), ils seront de plus en plus nombreux Le système actuel qui différencie le public et le privé est pour eux particulièrement injuste.

C’est aussi un système dans lequel chacun cotise à même hauteur sur l’ensemble de sa rémunération. Pour les fonctionnaires, cela veut dire la prise en compte des primes dans l’assiette de cotisation. Et cela a des conséquences sur le montant de la pension puisque à terme elle sera calculée sur l’ensemble des cotisations versées au cours de la carrière. S’y ajouteront le cas échéant les dispositifs de solidarité du système universel auxquels pourront prétendre des fonctionnaires.

Le système actuel calculé sur les 6 derniers mois a un effet pervers qui consiste à réserver les promotions en fin de carrière. Inversement, le système universel incite davantage à une politique salariale et RH plus dynamique en début et milieu de la carrière.

De plus, un système universel, c’est l’extension à la fonction publique des dispositifs de reconnaissance de la pénibilité qui existent dans le privé. Ces dispositifs vont couvrir des agents aujourd’hui non couverts par des dispositifs propres au public. Ils vont couvrir aussi les contractuels aujourd’hui exclus de tout dispositif.
Le projet de loi prévoit également d’autres extensions aux fonctions publiques comme par exemple le dispositif de retraite progressive.

31. Les fonctionnaires ne vont-ils pas être perdants avec la fin du calcul des pensions sur l’indice des 6 derniers mois ?

Passer d’un système de calcul de la pension basé sur l’indice des 6 derniers mois, à un calcul qui prend en compte toute la carrière, suscite des inquiétudes bien compréhensibles chez les fonctionnaires.

Le nouveau calcul prendra en compte tous les compléments de salaire qui ne comptent pas actuellement : primes, indemnités, 13ème mois, heures supplémentaires, indemnité de résidence, supplément familial… Cela peut compenser et même être plus avantageux que le calcul actuel pour ceux qui ont un niveau de primes suffisant.

Pour ceux qui n’en ont pas, ou trop peu, La CFDT revendique que soit garanti une part indemnitaire qui soit au minimum fonction du taux moyen constaté dans chaque versant des fonctions publiques. Mais cette réforme est aussi l’occasion de reprendre les négociations sur la politique salariale dans les fonctions publiques. Cela est indispensable et le gouvernement doit en prendre l’engagement.

32. Comment les fonctionnaires ne vont-ils pas (encore) perdre du pouvoir d’achat s’ils doivent cotiser sur leurs primes ?

Pour passer de leurs taux et assiette actuels de cotisation à ceux du système universel de retraite, le projet de loi renvoie sur une ordonnance qui sera prise dans un délai d’un an après la publication de la loi et qui définira un processus de convergence sur une durée de 15 ans maximum (2022-2037).

La CFDT exige d’ores et déjà que les augmentations de cotisations ne se fassent pas au détriment du pouvoir d’achat des fonctionnaires et qu’elles soient intégralement compensées.

33. Que devient le RAFP (régime de retraite additionnelle de la fonction publique) pour lequel les fonctionnaires cotisaient sur leurs primes ?

Comme toutes les retraites complémentaires, le RAFP est appelé à se fondre dans le système universel de retraite. Les droits acquis avant 2025 seront garantis et à cette date, les travailleurs n’auront plus qu’une cotisation retraite à verser sur l’ensemble de leur rémunération.

Les cotisations à verser sur les primes seront plus élevées et ne seront pas plafonnées à 20% du traitement indiciaire comme actuellement : elles amélioreront les droits à pension des fonctionnaires. La CFDT exige qu’elles soient intégralement compensées pour ne pas peser sur le pouvoir d’achat.

Le RAFP est une retraite additionnelle par capitalisation. Le système universel de retraite est quant à lui un système de retraite par répartition : les cotisations versées par les actifs sont immédiatement utilisées pour payer les pensions des retraités, assurant la solidarité intergénérationnelle, et mettant les cotisations à l’abri des marchés financiers.

34. Comment les situations de handicap seront prises en compte dans le futur système de retraite ?

Sur la question spécifique du handicap, la CFDT est pleinement engagée pour que celui-ci soit pris en compte dans le calcul de la retraite. Dans la version actuelle du projet de loi, il est prévu que les assurés handicapés pourront partir à la retraite entre 55 et 60 ans sans décote en fonction de leur durée d’activité en situation de handicap. Le taux d’incapacité (incapacité permanente d’au moins 50 %) sera attesté dans des conditions fixées par arrêté. La durée cotisée sera décomptée selon les modalités prévues pour le minimum retraite et les seuils seront fixés par décret. Pour les périodes antérieures au 31 décembre 2015 la reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH) sera prise en compte pour apprécier le handicap, avec attribution de points supplémentaires (dans des limites fixées par décret).

Les conditions d’accès au dispositif seront donc simplifiées puisqu’il sera uniquement tenu compte de la durée cotisée en situation de handicap et non plus d’une double condition de durée cotisée et de durée validée. Egalement, unifier le système permet que les fonctionnaires en situation de handicap ne partent plus en retraite avec trop peu de droits.

35. Pourquoi les années d’études n’ouvriraient pas de droit à la retraite ?

La question de la prise en compte des années d’étude est abordée depuis longtemps dans les débats sur les retraites. La loi de 2014, grâce à la CFDT, permet dorénavant de comptabiliser en intégralité les périodes d’alternance et d’apprentissage. C’est un progrès important à notre actif que beaucoup ignorent malheureusement. Pour les études supérieures, la CFDT a toujours été plutôt réservée sur leur prise en compte pour une raison de cohérence. Ces études sont censées permettre aux étudiants d’obtenir à leurs issues des situations professionnelles d’autant plus intéressantes et bien rémunérées qu’elles ont été longues. Nous préférons imaginer d’autres solutions comme la possibilité de pouvoir racheter plus facilement et plus tôt des années afin de pouvoir réduire a leur guise leur parcours professionnels. L’autre idée que nous avons soumise, qui n’a pas été retenue mais à laquelle nous ne renonçons pas serait d’attribuer à tout jeune, étudiant ou « travailleur précoce » un capital de points de retraite dès son entrée dans la vie active.

36. Les cadres seront-ils les grands perdants de la réforme ?

Non, contrairement à ce que certains veulent de faire croire seule une infime partie (les plus hauts revenus) seront désavantagés. La réforme actuelle prévoit effectivement que les cotisations génératrices de droits à la retraite seront assises sur les revenus dans la limite de trois fois le plafond de la Sécurité sociale (soit 10 284 € mensuels). Auparavant, le plafond était fixé à 8 fois ce plafond (soit plus de 27000 € mensuels), une réponse à l’époque à une revendication du Medef. Pour la CFDT, la solidarité nationale n’a pas vocation à fournir un revenu de remplacement aux niveaux excessifs de rémunération. Rappelons que la moitié des cadres gagnant moins de 4166 € mensuels et 80% moins de 6916 € mensuels (chiffres APEC du 30 septembre 2019). C’est donc une infime minorité de très hauts revenus qui n’ouvriront plus de droits sur la partie supérieure de leur salaire ; cela nous semble de justice sociale. Alors oui, on va se priver d’une partie de leurs cotisations, mais le système ne devra plus non plus leur verser de droits à l’avenir sur cette partie de leur salaire. Et une cotisation déplafonnée à 2,81 % sera appliquée à la totalité des rémunérations et financera notamment les dispositifs de solidarité. Le véritable sujet est celui de la transition, qui doit être abordé dans le cadre de la conférence de financement.

37. Quelles incidences de la réforme sur une carrière mixte (privé, public…) ?

Une des raison pour laquelle la CFDT défend un régime de retraite universel c’est justement pour éviter aux travailleurs qui ont des carrières mixtes (nous les appelons aussi poly pensionnés) d’être pénalisés. Dans le système actuel, ils ne bénéficient d’aucun avantage de chaque régime car ils n’ont pas cotisé assez de temps dans chacun de ceux-là.

Demain le régime universel par point permettra à chacun, quel que soit son employeur (public ou privé) de bénéficier des mêmes droits. Tous les travailleurs seront dans le même système et se verront appliquer les mêmes règles. C’est aussi un élément qui permettra à chaque personne de « circuler » plus facilement d’un employeur à l’autre sans avoir le risque de perdre quelque chose au moment de la retraite. C’est aussi une manière de permettre la mobilité professionnelle.

38. Quelle prise en compte de la pénibilité dite « mentale » ou risques psycho-sociaux ?

La CFDT a choisi de revendiquer la prise en compte des 4 critères de pénibilité aujourd’hui exclus du C2P (Compte pénibilité), qui sont des critères principalement liés aux postures (manutention des charges, postures pénibles et vibrations mécaniques), parce que l’exposition à ces facteurs a un impact prouvé sur l’espérance de vie. Cet impact est documenté de manière statistique de manière importante et depuis de nombreuses années. Sur la pénibilité dite mentale, qui a des conséquences réelles sur la santé, les études manquent encore pour évaluer leurs conséquences sur l’espérance de vie. Il y en aura vraisemblablement un jour mais il est difficile de mener ce combat, sans données objectives sur lesquelles la CFDT pourrait s’appuyer. En revanche, il serait utile que le dispositif de pénibilité soit évalué, parce que les critères retenus aujourd’hui sont amenés à évoluer demain. C’est ce qui a été évoqué avec les parlementaires.

39. Sera-t-il possible de racheter des points dans le nouveau système ?

Le rachat de points est prévu dans le projet de loi déposé par le gouvernement pour les études supérieures et pour les périodes de stage ayant donné lieu à gratification (article 48). Les modalités précises seront définies par décrets. La CFDT a proposé un amendement aux parlementaires pour améliorer les droits des stagiaires, en demandant « une garantie minimale de points » pour les stages ayant donné droit à gratification, et non un simple rachat.