Le Centre national de la musique : pot-pourri ou bœuf musical ?

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Le Centre national de la musique (CNM) se doit d’être un opérateur de l’État qui met en œuvre la politique du ministère de la culture dans ce domaine. Le rôle de l’État est d’assurer une régulation de l’organisation du secteur et du marché de la musique pour éviter les positions dominantes. Le CNM doit avoir pour ambition la promotion des différentes activités musicales. Pour ce faire, il faut que sa gouvernance soit en adéquation avec la commande politique et en cohérence avec les enjeux d’intérêt général.

L’histoire d’un projet de centre de la musique date de la fin des années 1980. Les raisons pour lesquelles sa création ne relève pas aujourd’hui « de l’évidence » ne sont pas tant liées à une résistance au changement qu’à un manque de définition claire et partagée du périmètre d’intervention de ce CNM, dans sa finalité et dans son articulation avec les autres pans des politiques publiques de la culture.

Cet établissement tant attendu par certains et tant décrié par d’autres interroge beaucoup tant dans sa conception, que dans son périmètre et ses missions. Construire un CNM sur les bases du Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV) actuel comme point de départ et d’appui de la réflexion entraîne des raisonnements automatiquement faussés par l’idée d’agréger des organismes du domaine musical de natures différentes et des dispositifs dans un « CNV élargi ».

Le choix d’en faire un établissement public industrie et commercial (EPIC) n’est pas en adéquation avec les missions portées par ce futur établissement puisqu’il n’a pas vocation, de façon principale et majoritaire, à produire des biens et des services qui s’inscrivent dans un marché concurrentiel.

L’absence d’au moins quatre éléments importants liés à des enjeux d’intérêt général et de service public obère gravement la réussite de ce CNM et la cohérence des politiques publiques de la musique.

  • Aucune analyse de l’impact du Centre national de la musique sur les services publics de l’État et les différentes politiques menées et les dispositifs portés dans un contexte de forte réorganisation des services du ministère tant au niveau central que déconcentré.
  • Le manque de représentation des collectivités territoriales dans le travail de concertation
  • Une vision unique de l’économie qui dissocie les activités artistiques des contenus. Toutes les activités participent d’une économie et s’inscrivent dans le marché quelle que soit l’esthétique. Il ne permet surtout pas d’affronter le sujet très préoccupant du phénomène de concentration financière et institutionnelle. Ce dernier met en danger le pluralisme des modèles économiques, la diversité artistique et culturelle sur les territoires.
  • Une gouvernance déséquilibrée avec la constitution d’un conseil d’administration « en trompe l’œil » car faussement majoritairement constitué par l’État qui se limite en grande partie à une chambre d’enregistrement ; et un conseil professionnel puissant tant par le nombre et la qualité de ces membres que par son pouvoir.

La question de la participation des organismes de gestion collective n’a été traitée que partiellement. Leurs missions premières de défense des intérêts de leurs ayants-droit ne sont pas « naturellement » en phase avec les missions d’intérêt général d’un établissement public. Plus leurs présences seront prégnantes au sein de cet établissement, plus la visée d’intérêt général sera réduite. Il en est de même pour certaines associations qui ont vocation à être intégrées au CNM.

Globalement la méthode employée crée des confusions sur les axes d’intervention : soutien aux artistes, formation et EAC. Aujourd’hui, la loi est malheureusement votée (sans aucun débat avec les organisations syndicales). Dont acte ! il est donc trop tard…

Le CNM devrait permettre aux services de l’État de se repositionner et de créer une dynamique autour des enjeux communs et ainsi de renforcer les compétences en matière d’expertise, d’observation et de prospective des services centraux et déconcentrés. La gouvernance n’est pas adaptée à la commande politique initiale puisque le conseil professionnel prend toute sa place et très clairement prend les commandes de l’Établissement et que les conseillers en DRAC seront à la disposition de cet établissement au prétexte de favoriser le lien aux territoires !

Le ministère, au risque de se fragiliser, ne s’interroge pas suffisamment :

  • sur le sens de cet établissement,
  • sur la redistribution de financements publics dans le cadre de procédures adaptées et respectueuses de l’intérêt général
  • sur l’inscription de toutes les actions engagées au sein d’un Établissement public en faveur de la diversité culturelle dans le respect des droits culturels.

Face à cette situation, la CFDT-Culture ne porte pas ce projet de décret et a voté contre. La CFDT-CULTURE considère que la création de cet établissement par son modèle et ses zones d’ombre va accentuer la concentration économique et culturelle de ce secteur.

La CFDT-CULTURE, Paris, le 22 novembre 2019

Télécharger le communiqué : CFDT-CULTURE – Le Centre national de la musique : pot-pourri ou bœuf musical ? 22 novembre 2019