Lettre ouverte à Rachida Dati, Ministre de la Culture

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Madame la Ministre,

Dans le ministère que vous rejoignez, soyez convaincue que vous pouvez vous appuyer sur des équipes investies et enthousiastes, conscientes du rôle sociétal qu’elles mettent en pratique dans leur institution respective.

Soyez également assurée que vous pouvez vous appuyer sur des équipes d’experts qualifiés et expérimentés, soucieux de l’intérêt général et du service public, ainsi que sur des équipes courageuses et réactives face au changement et aux imprévus.

Dans les perspectives et projets à venir, vous pourrez donc vous appuyer sur toutes ces équipes, néanmoins inquiètes d’un avenir où ce ministère — qui se revendique pourtant ministère de métiers — les laisse peu à peu disparaître, où la précarisation dérégulée des emplois nuit aux missions à moyen et long terme, où la qualité de vie au travail se dégrade de façon préoccupante, amplifiée par la réduction de l’emploi, où manque une vision ambitieuse au service de la République.

Le ministère de la Culture repose sur l’expertise de ses 24 000 agents, dans tous les domaines et à tous les niveaux ; cette expertise s’appuie sur une expérience riche, acquise au fil des ans et en profondeur. Or, la précarisation des emplois — avec le recours toujours plus important aux CDD et contrats courts —va à l’encontre de ce principe, tout comme la généralisation progressive de l’externalisation, y compris dans les secteurs métier. Là où les évolutions sociétales et technologiques devraient amener la création de nouveaux métiers, de nouvelles formations, notamment dans le domaine de la médiation culturelle et des nouvelles technologies, le ministère de la Culture rabote au contraire ses ambitions en restreignant toujours plus ses filières métier et ses déroulements de carrière ; il s’appauvrit et perd ce qui faisait sa force et sa spécificité, devenant le simple gestionnaire désabusé d’un budget inadapté et d’un plafond d’emploi au rabais. La crise sans précédent que vit actuellement le centre Pompidou en est le reflet, qui voit les agents se mobiliser pour remettre les missions culturelles du centre d’art et de Culture au cœur d’une discussion phagocytée par les enjeux budgétaires.

Les réformes structurelles des dernières années, ainsi que la crise de la Covid-19, ont dégradé la qualité de vie au travail dans des proportions qui deviennent préoccupantes pour l’accomplissement même des missions du ministère. Ainsi, la fusion des régions a engendré celle des services culturels de l’État dans les territoires, réorganisés de façon hétérogène et avec des résultats mitigés : aujourd’hui, de nombreuses Drac traversent des crises, parfois violentes, préjudiciables à l’exercice des missions de service public. L’autorité du ministère sur les Drac, discutée par les préfets, doit également être réaffirmée.

Les établissements d’enseignement supérieur architectural, artistique et culturel traversent depuis maintenant plusieurs années des crises successives qui alertent sur leur situation préoccupante : budget, statut des enseignants, état des infrastructures, harcèlement sexiste et sexuel font régulièrement scandale, dégradant leur image dans l’opinion publique alors que ce réseau riche et dense était le fleuron d’un ministère qui parmi ses vocations multiples comptait l’enseignement et la formation. Nationales ou territoriales, les écoles ont plus que jamais besoin d’une mise à niveau de leurs moyens humains, infrastructurels et budgétaires pour ne pas être déclassées face aux universités.

Les établissements dédiés au spectacle vivant et à la création connaissent une situation similaire : affectés par « l’effet ciseau », dû à la stagnation des subventions publiques (voire à leur baisse), à la hausse des coûts de l’énergie et à la nécessaire augmentation des salaires ; ils sont aujourd’hui dans une situation de grande fragilité à laquelle des réponses doivent être apportées.
Les artistes de notre pays en subissent les contrecoups en voyant leur activité diminuer de façon significative et craignent les évolutions futures du régime de l’intermittence du spectacle.

La CFDT-CULTURE attend de votre part, Madame la ministre, une prise en compte énergique de ces problématiques pour développer un ministère efficace et ambitieux, assumant avec détermination le rôle social de la Culture. Pour cela, elle propose la tenue d’assises de la Culture réunissant politiques, cadres des établissements, directions et services du ministère, experts et organisations syndicales pour concevoir et construire l’avenir des missions du ministère et de ses moyens.
Où que vous alliez, vous trouverez dans ce ministère un souci sincère et général de démocratisation culturelle au service de la République. Les revendications répétées de davantage de moyens humains, financiers et organisationnels, d’emplois pérennes, de meilleurs déroulements de carrière, sont à la mesure de cette implication de tous.
La CFDT-CULTURE, porte-parole des personnels, nourrit pour ce ministère une vision ambitieuse qu’elle espère vous voir partager et concrétiser par un dialogue social renouvelé, sincère et transparent, basé sur la confiance mutuelle.

Paris, le 18 janvier 2024